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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre national de France sous la direction de Leif Segerstam, avec la participation de la soprano Orla Boylan au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Une force de la nature
Passionnante soirée symphonique au Théâtre des Champs-Élysées où l’Orchestre national de France avait invité l’excentrique Leif Segerstam pour un programme dans lequel, après un Tchaïkovski déroutant et un Strauss contestable, le chef finlandais livrera une Deuxième Symphonie de Sibelius revêtant à chaque seconde caractère d’évidence.
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Personnalité haute en couleurs et planant à des altitudes qu’ignorent les simples mortels, le chef finlandais Leif Segerstam, soixante-dix ans cette année, est un spectacle à lui seul, silhouette qu’on ne risque pas d’oublier, entre le père Noël et la longue barbe du vieux Brahms, et que les difficultés à se mouvoir obligent désormais à diriger assis.
Sa manière enfantine de saluer, petites courbettes de la main droite et sourire espiègle, n’en étonne que davantage, car une fois sur le podium, ce démiurge né dans la ville portuaire de Vaasa s’avère un redoutable dompteur d’orchestres à même de déclencher des vagues de sonorités inouïes bien au-delà de son répertoire national.
On ne s’attardera pas sur la scène finale de Capriccio qui refermait la première partie, où les articulations très à plat, la volonté de faire entendre chaque ligne de l’accompagnement straussien aboutissent à une substance sonore sans lignes hiérarchisées, en soutien d’une partie vocale proche du naufrage.
C’est que la soprano irlandaise Orla Boylan, avec sa grosse voix dure, qui chante sans legato ni style, avec des attaques par dessous à donner la nausée, a dû faire se retourner Elisabeth Schwarzkopf dans sa tombe. À se demander où était ce soir la délicate Soile Isokoski, straussienne émérite, compatriote et partenaire de longue date du chef finlandais.
En ouverture de soirée, Segerstam avait cherché à évoquer de vastes espaces dans les grandes tenues de la Francesca da Rimini de Tchaïkovski, lecture lente, sculptée, prenant le temps d’ériger sans dureté les crescendi et montées chromatiques avec une superbe pâte. Mais comme le maestro a plus d’un tour dans son sac, il insufflera à la partie centrale et à son solo de clarinette un accompagnement de cordes soudain très articulé.
La pièce de résistance du concert restait sans conteste la Deuxième Symphonie de Sibelius, où la battue et le rendu sonore se font évidence à chaque instant. Dans les méandres du mouvement lent, rares sont les chefs à donner une telle unité, une telle cohésion à cette succession d’instants très contrastés, un tel liant aux silences, une telle direction aux pizz souvent erratiques des contrebasses.
L’âge venant, les tempi ont tendance à s’asseoir davantage et l’énoncé du thème principal qui ouvre la symphonie gagne une ampleur, une densité, un réconfort qui permettent d’emblée d’ouvrir les portes de l’imaginaire. Et là où tant de ses collègues semblent se débattre avec les ruptures typiques du langage de Sibelius, Segerstam évolue dans son jardin, en parfaite aisance atavique.
En revanche, en comparaison de sa seconde gravure modèle au disque, sa conception globale de l’œuvre apparaît métamorphosée au concert par sa manière de déployer la dynamique, ici ouvertement plus puissante. Les équilibres sonores ouvragés à l’infini, typiquement nordiques par leur acuité et leur finesse de trait, cèdent ce soir la place à une manière tout aussi passionnante de faire s’affronter les masses en blocs.
D’emblée, les cuivres rougeoient, et dans le grand crescendo du Finale, après un épisode tourmenté génial de plénitude où les cordes du National se surpassent, l’espace-temps infini du studio, très moderne, dénué de tension, ouvrant vers un ailleurs mystique, tourne à une apothéose impressionnante, plus classique, rappelant les effusions telluriques d’un Barbirolli, jusque dans les tenues de cordes très vibrées entre les derniers accords.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 30/10/2014 Yannick MILLON |
| Concert de l’Orchestre national de France sous la direction de Leif Segerstam, avec la participation de la soprano Orla Boylan au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Francesca da Rimini, fantaisie symphonique op. 32
Richard Strauss (1864-1949)
Capriccio, scène finale
Orla Boylan, soprano
Jean Sibelius (1865-1957)
Symphonie n° 2 en en ré majeur op. 43
Orchestre national de France
direction : Leif Segerstam | |
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