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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de Sunwook Kim dans la série Piano**** à la salle Pleyel, Paris.
Kim le visionnaire
Il a vingt-six ans. Il a été le plus jeune vainqueur depuis quarante ans du Concours de Leeds. Dans le respect absolu de leur écriture, exaltant magistralement leur intériorité, Sunwook Kim personnalise un Prélude, Choral et Fugue de Franck jamais entendu ainsi transcendé et une Première Sonate de Schumann au faîte de sa passion.
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Ces premières notes du Prélude, Choral et Fugue de César Franck, une des plus belles œuvres écrites pour le clavier selon Alfred Cortot, Sunwook Kim les idéalise d’un rayonnement tranquille et prometteur, chacune d’elles lentement touchée, sa sonorité captée sous le poids d’une légèreté paradoxale. Elles ouvrent un monde dont la richesse harmonique ne cessera de nous subjuguer.
Arpèges à la gravité profonde, octaves assurées, silences en suspens se déroulent sans que jamais ne se relâche leur densité, nous menant à un Choral ici irradié d’une pressante douceur sous la virtuosité sereine. L’ardeur y demeure calme maîtresse, un doublé d’une force rare. Couronné par le ravissement de ce doigt de la main gauche quand il survole la droite pour aller caresser en écho quatre octaves plus haut les mêmes notes chantées à la basse, le ton plus autoritaire la deuxième fois.
Un tel naturel embrasé prend une dimension exceptionnelle dans la Fugue. Superbement magnifiée, l’apparente improvisation de son entrée témoigne déjà d’une volonté dont l’audace ira s’amplifiant. Fascinante progression dramatique. Au sein de contrepoints limpides, la passion s’épanouit en un crescendo admirable.
Des sonorités magistrales soutiennent l’impressionnante architecture, le toucher ne laisse rien dans l’ombre, la puissance du souffle soulève les phrases, surenchère l’expressivité. Faisant fi de digressions soulignées par certains interprètes, Kim exalte le pouvoir de pages aussi mystérieuses que formelles qu’il fond et singularise avec une somptueuse assurance. L’apothéose en est unique.
Son interprétation de la Sonate n° 1 en fa# mineur de Schumann relève un autre défi. Florestan et Eusébius s’y affrontent, tels deux caractères du compositeur mis en musique et leur antagonisme la divise en fragments dont la synthèse n’est pas évidente. Or Sunwook Kim sait accorder les oppositions qui la trament.
Inspirés à Schumann par son amour pour Clara, les paroxysmes de tension s’engendrent naturellement dès l’emphase de son introduction. Dans la profondeur des accords, la houle des triolets, le jeune pianiste coréen ose, défie, étaye, unifie le lyrisme qui inspire la partition, ses tempêtes et ses éclaircies.
Aventure haletante, impétuosité de son parcours. Sous le jeu hardi, serré, sensuel, pénétrant, infiniment coloré, les élans se fécondent, les silences les prolongent. L’amour, ses tumultes et ses inquiétudes, sa tendresse et ses désirs ne nous lâchent pas une seconde. La témérité technique soulève l’éloquence des débordements enflammés.
Le Finale atteint leur apogée. Kim construit magistralement ce mouvement, le plus ardu parce que le plus divers. Les modulations si souvent dispersées trébuchent, s’attristent, tourbillonnent, se rebellent, s’accélèrent, triomphent en étreintes insécables. Le pianiste en découvre l’homogénéité et révèle ainsi leur portée.
De Schumann, les Variations Abegg op. 1 ont été auparavant source d’enchantements. Leur auteur alors épris et pianiste virtuose avait vingt ans. Leur interprète y rivalise d’inventivité. Grisante palette de sentiments, elles multiplient charmes et climats avec une spontanéité tour à tour joyeuse, jazzy, langoureuse, jouissive, rageuse aussi, émerveillée. Une touche de ferveur ici et là en grandit le bonheur.
Ce récital avait débuté par une Partita n° 2 en ut mineur de Bach dont la détermination caractérisait la pénétration. Majesté de la Sinfonia en ouverture, largeur des résonnances, voix distinctes mais uniformes de l’Allemande, grande rapidité de la Courante à laquelle on peut préférer un jeu plus perlé, Sarabande au calme prenant, exubérance également déterminée du Rondeau aboutissent à un Capriccio étourdissant.
Si Bach a défini le contenu de ses Partitas en exercices de clavier, ils ont été l’échauffement abouti d’un programme étonnamment habité.
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Salle Pleyel, Paris Le 12/12/2014 Claude HELLEU |
| Récital de Sunwook Kim dans la série Piano**** à la salle Pleyel, Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Partita n° 2 en ut mineur BWV 826
CĂ©sar Franck (1822-1890)
Prélude, Choral et Fugue en si mineur FWV21
Robert Schumann (1810-1856)
Variations Abegg op. 1
Sonate pour piano n° 1 en fa# mineur op. 11
Sunwook Kim, piano | |
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