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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de Stephen Kovacevich dans la série Piano**** à la salle Pleyel, Paris.
L’art de l’essentiel
Grande leçon de piano ramené à l’essentiel de chaque partition, leçon aussi à tous les amateurs de clinquant et de succès bruyamment virtuoses qui déclenchent l’hystérie des foules. Dans un programme comportant trois œuvres fondamentales du répertoire, Stephen, Kovacevich nous a fait bénéficier de toute l’expérience et de la sagesse d’une longue carrière.
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Il y a incontestablement piano… et piano. Quoi de commun entre certains représentants d’une génération rivalisant d’exploits techniques quitte à passer à côté de l’essentiel de la musique et ces grands sages à qui la réflexion et l’expérience ont appris à modérer leurs ardeurs virtuoses pour servir uniquement ce qui va au plus vrai et au plus profond des œuvres ? Ils partagent certes l’amour de la musique et celui de l’instrument, mais le traduisent de manière si différente.
Dès l’Ouverture de la Partita n° 4 en ré majeur BWV 828 de Bach qui débute le programme, on comprend sur quelles terres Stephen Kovacevich va nous faire voyager. Il en nous emmène dans un pays où règne ce qui est essentiel, incontournable, significatif, authentique dans le langage musical d’un compositeur.
Chaque moment de cette Partita va vivre sans emphase d’une vie intérieur qui laisse chanter les phrases dans leur pureté, se bâtir les structures dans leur intégrité, avancer avec un total naturel vers la conclusion d’un propos dont l’évidence est alors frappante.
Allemande, Courante, Menuet, Gigue… Nous sommes encore dans l’esprit de la danse de société, mais déjà dans la conscience d’un emploi autre de ces rythmes, de ces contrastes, dans le monde prémonitoire de la sonate. Est-ce plutôt une approche baroque ou une approche romantique ? C’est tout simplement du Bach.
Même impression de vérité révélée sans détours et même, peut-être avec une pudeur parfois excessive, en écoutant la Sonate pour piano n° 30 de Beethoven, monumentale, bouleversante de puissance contenue, de sagesse acquise. Beethoven arrive au sommet de son art de la sonate et Kovacevich à celui de son art de nous le transmettre. On prend à la fois conscience de tout le chemin parcouru depuis Bach et de tout ce qu’il y a encore en commun.
En deuxième partie, la Sonate en sib majeur D 960 de Schubert, autre gigantesque monument pianistique, déroule dans une clarté parfois brouillée de brumes nostalgiques, les états d’âme contradictoires du compositeur. Il y a ses angoisses, son absence de résignation, mais aussi ses irrésistibles parenthèses d’une joie paysanne et juvénile, scintillements passagers qui donnent encore plus de profondeur à ce qui affleure de la sensibilité romantique en désarroi.
C’est d’une absolue beauté sonore et d’une homogénéité d’analyse parfaite, même si parfois, on aimerait un engagement plus spontané, une impression de risque ou des choix plus imprévisibles. Mais quel fascinant périple au pays du plus pur romantisme germanique !
On ne pouvait rêver plus beau concert d’adieu de la série Piano**** à la salle Pleyel… si tant est que la musique classique soit effectivement bannie à tout jamais de ce lieu fait pour elle.
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Salle Pleyel, Paris Le 16/12/2014 GĂ©rard MANNONI |
| Récital de Stephen Kovacevich dans la série Piano**** à la salle Pleyel, Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Partita n° 4 BWV 828 en ré majeur
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate n° 30 en mi majeur op. 109
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate en sib majeur D 960
Stephen Kovacevich, piano | |
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