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CRITIQUES DE CONCERTS 31 octobre 2024

Récital Rival queens de Vivica Genaux et Simone Kermes accompagnées par la Cappella Gabetta sous la direction d’Andrés Gabetta au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

N’est pas prima donna qui veut
© Gregor Hohenberg

De la rivalité entre Francesca Cuzzoni et Faustina Bordoni, Simone Kermes et Vivica Genaux ont ce soir au TCE particulièrement retenu leur art du crêpage de chignon. Malheureusement souvent au détriment de la musique, en particulier pour Simone Kermes, largement égarée, dont ni les moyens ni le style ne peuvent prétendre rendre justice aux beautés du bel canto seria.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 21/01/2015
Yves JAUNEAU
 



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  • Francesca Cuzzoni (1696-1778) et Faustina Bordoni (1697-1781) ont Ă©tĂ© deux des plus grandes cantatrices de la première partie du XVIIIe siècle, crĂ©ant notamment Ă  Londres quelques uns des plus beaux rĂ´les fĂ©minins du rĂ©pertoire haendĂ©lien. Simone Kermes avait consacrĂ© un rĂ©cital Ă  la première (La diva), tandis que Vivica Genaux rendait hommage Ă  la seconde (A tribute to Faustina Bordoni). Y flairant probablement une bonne opportunitĂ© Ă  saisir, Sony Classical les a rĂ©unies il y a quelques mois dans un disque Rival queens, qu’elles prĂ©sentent ce soir Ă  Paris.

    De la rivalité entre les deux cantatrices, on ne retient souvent que leur ultime dispute sur scène et l’émeute publique qui en fut la conséquence en juin 1727 lors d’une représentation de l’Astianatte de Bononcini. C’est également ce que les belles Simone et Vivica ont voulu montrer ce soir à grands renforts de grimaces, tirage de cheveux, et même de combats avec gants de boxe. Et si le show de ces dames devient à la longue un rien répétitif, il a le mérite de maintenir un rythme constant à la soirée, et de déclencher rires et applaudissements à répétition.

    Musicalement, les choses se gâtent en revanche, et en particulier pour Simone Kermes, qui ne peut prétendre à un seul instant incarner la Cuzzoni, dont on louait en particulier la précision de l’ornementation, la netteté du trille ou encore la noblesse de l’incarnation !

    Chantant constamment un quart de ton trop bas (un supplice que ce Piangerò de Cleopatra en début de programme), avec un italien pour le moins exotique et un grave totalement inaudible (la Cuzzoni n’était sûrement pas un soprano léger), la soprano allemande se révèle rapidement insupportable. À l’instar de ce Nobil onda de Porpora (écrit pour… Farinelli), où sa méconnaissance complète du style baroque s’affiche en pleine lumière : brusques aigus hurlés, vocalises savonnées et portamenti dégoulinants.

    Vivica Genaux, même si elle semble par moment subir la mauvaise influence musicale de sa collègue, a été formée à toute autre école et cela s’entend. Quelle virtuosité (incroyable Impallidisce in camp de Hasse) et quel contrôle du souffle (Vorreste, o mie pupille d’Ariosti) en effet chez la mezzo américaine, le tout avec un trille d’une précision que l’on rencontre trop rarement de nos jours, et qui pourtant devait être l’une des armes principales des prime donne et des castrats du XVIIIe siècle !

    En outre, la tessiture mĂŞme des airs Ă©crits pour la Bordoni convient parfaitement Ă  sa voix qui s’est maintenant Ă©panouie dans l'aigu, tout en restant bien assise dans le grave. Et si Genaux ne convainc in fine pas totalement comme digne rĂ©incarnation de Faustina Bordoni, c’est peut-ĂŞtre qu’il lui manque ce petit rien, ce « jugement clair et rapide de ce qui pouvait donner aux mots leurs pleins pouvoir et expression Â» (mots du flĂ»tiste Quantz sur la cantatrice).

    Andrés Gabetta et les instrumentistes de sa Cappella sont ce soir toujours alertes et imaginatifs, comme en témoignent ces très jolis accompagnements des da capo ou ces bondissantes ouvertures de l’Ariodante de Pollarolo et de l’Orfeo de Porpora, même si le rendu souffre par moment des trop maigres effectifs de l’ensemble – une dizaine d’instrumentistes. On regrette en outre le trop faible interventionnisme du chef, qui aurait pu, par exemple, éviter au moins quelques dérives fâcheuses chez Mme Kermes – pourquoi diable ce contre-mib dans la reprise du magnifique Villanella nube estiva de Giacomelli ?

    Aux multiples inédits du disque sorti chez Sony, nos deux divas ajoutent ce soir quelques tubes haendéliens, qui ont pour effet de les éloigner du sujet car les duos extraits de Giulio Cesare, Rodelinda et Tamerlano ont été écrits pour la Cuzzoni et le castrat Senesino, dont la tessiture met en difficulté une Vivica Genaux qui n’est en rien un contralto.

    Mais c’est le final qui tourne définitivement la page, à peine entrouverte des Rival queens de l’opéra seria. Lorsqu’aux rappels, les deux chanteuses se lancent dans des medleys de Queen et d’ABBA, entrecoupés d’une incongrue Barcarolle des Contes d’Hoffmann, on se dit que finalement, Simone et Vivica ont en quelque sorte rendu justice à Francesca et Faustina, à leur manière : en assurant le spectacle coûte que coûte.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 21/01/2015
    Yves JAUNEAU

    Récital Rival queens de Vivica Genaux et Simone Kermes accompagnées par la Cappella Gabetta sous la direction d’Andrés Gabetta au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
    Rival Queens
    Simone Kermes, soprano
    Vivica Genaux, mezzo-soprano
    Cappella Gabetta
    direction : Andrés Gabetta

     


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