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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de rentrée de l'Orchestre National de France dirigé par Charles Dutoit.
Dutoit règle son Œdipe
© Peter Schramek
La modernité n'est pas forcément affaire d'époque, dans un programme mêlant le Stravinsky le plus novateur et le plus classique, L'Orchestre National de France dirigé par Charles Dutoit vient de le montrer. Pour étayer encore ce propos, cette soirée "stravinskienne" a été conclue par la création française du concerto pour violon de Richard Danielpour.
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Difficile de trouver plus parfait équilibre pour une soirée mêlant musique contemporaine et oeuvres du répertoire. Feu d'artifice de Stravinsky ouvrait le bal, soit cinq minutes d'un déchaînement orchestral qui condense toute l'audace que l'on connaît chez l'auteur du Sacre du Printemps. Parfaite antithèse, le programme s'est poursuivi avec Œdipus Rex dont la cohérence et la force dramatique justifient n'excusent pas toujours le néo-classicisme bon teint.
Le comédien Laurent Terzieff est appelé à la rescousse pour résumer l'action : on assiste à l'avant dernier acte de l'histoire d'Œdipe et la découverte de son double crime — l'assassinat du roi et sa relation incestueuse. Le texte de Cocteau est dit avec une grandiloquence et une emphase qui servent finalement un style littéraire un peu daté. Et puis Laurent Terzieff a une présence scénique — y compris entre ses interventions où il semble toujours prêt à bondir — qui lui permet toutes les audaces. À ce petit jeu, on remarque aussi la basse Denis Sedov (Tirésias) ainsi que la mezzo-soprano Petra Lang (Jocaste) : leur interprétation très juste et leur engagement font oublier quelques faiblesses techniques. Plus effacé, le ténor Marc Laho (Le berger) ne parvient pas à assumer son rôle et confond sans doute position brechtienne — la distanciation, parfaitement défendable dans un tel spectacle — et démission. Robert Gierlach (Créon et le messager) est à peine plus présent alors que Ludovit Ludha (Œdipe) parvient peu à peu à s'affirmer, après une entrée en scène difficile — aussi bien vocalement que scéniquement. Charles Dutoit, de son côté, allie souplesse et rigueur et seules quelques rares distractions individuelles viennent briser l'unité sonore et rythmique de l'orchestre.
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Mais avant d'en arriver à ce drame des temps anciens, on nous proposait un petit retour aux temps modernes. Après Feu d'Artifice, le concerto pour violon de Richard Danielpour — créé le 5 août 2000 à Saratoga,- a ceci d'étonnant qu'il parvient à mêler classicisme — la forme — et romantisme — le traitement thématique — en affirmant une certaine modernité grandement due au développement harmonique et à l'étrange impression d'un discours musical née par association d'idées. Tout cela induit une sorte de schizophrénie musicale dont la soliste — Chantal Juillet, exceptionnelle à tous points de vue — devient l'élément central. Difficile dans ces conditions de parler de "néo-romantisme" malgré le décalage évident de l'oeuvre par rapport aux grandes tendances musicales modernes : ce concerto pour violon, qui intègre fortement la question de la représentation — sorte de Magma d'où surgissent sans cesse de nouvelles images — ne peut venir qu'après Freud, très loin des souffrances du jeune Werther
Feu d'artifice, fantaisie pour orchestre op.4 et Oedipus rex, opéra-oratorio (version de concert) de Igor Stravinski
Concerto pour violon et orchestre (création française) de Richard Danielpour
Orchestre National de France,
direction : Charles Dutoit
Choeur de Radio France,
direction : Lubomir Matl
Avec Chantal Juillet (violon), Ludovit Ludha (ténor), Petra Lang (mezzo-soprano), Robert Gierlach (basse), Denis Sedov (basse), Marc Laho (ténor), Laurent Terzief (récitant).
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