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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Deuxième Symphonie de Mahler par les Berliner Philharmoniker sous la direction de Sir Simon Rattle à la Philharmonie de Paris.
La consécration de la maison
Un mois après son inauguration, la Philharmonie de Paris accueille le plus prestigieux des orchestres dans un incontournable du répertoire particulièrement adapté aux grandes occasions. Arrivé à pleine maturité, Sir Simon Rattle défend une Deuxième de Mahler immense et grisante, dans l’acoustique symphonique idéale qu’attendait Paris depuis toujours.
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Certes, il reste beaucoup à faire avant que la Philharmonie de Paris, ouverte coûte que coûte le 14 janvier, ne revête ses atours définitifs, et il est trop tôt pour savoir ce qui dans la salle tient du fixe ou du provisoire, jusqu’aux gradins en bois soutenant les fauteuils de l’orchestre, où quelques interstices trahissent l’ampleur des travaux à terminer.
Ce qui est sûr en revanche, c’est que du milieu du parterre, la connexion tant visuelle qu’auditive avec les musiciens est optimale, donnant à sentir l’alchimie chef-orchestre et l’implication physique des instrumentistes de la plus belle manière, pour ne rien dire d’une acoustique à cet endroit prodigieuse, taillée à merveille pour la musique symphonique : réverbération millimétrée, définition exceptionnelle des timbres, tout à fait inédites à Paris.
Il faut dire aussi que pour une première confrontation à la salle, ce concert des Berliner était du pain bénit et sans doute le test ultime, d’autant que les mêmes interprètes avaient déjà donné la Deuxième Symphonie de Mahler pour saluer la résurrection d’une salle Pleyel bien saturée en 2007. Et d’emblée, on peut affirmer que l’aboutissement sonore est ce soir sans comparaison.
La courte pièce d’Helmut Lachenmann ouvrant la soirée, intitulée Tableau, entre fracas cataclysmique et pages raréfiées, pas plus sonores qu’un souffle, donne la mesure des possibilités acoustiques du lieu et préparent finalement beaucoup mieux qu’on l’aurait imaginé la plongée, après un court précipité, dans les affres mahlériens.
Loin de se contenter d’une lecture de texte, Rattle y affirme clairement des choix tranchés, particulièrement dans un premier mouvement à la dramaturgie efficace et tendue, tout en contrastes de nuances et de tempo, alternant phases extatiques au bord du silence et moments d’exaltation frénétique, en accelerandi foudroyants, dans une parfaite continuité organique.
Le reste de sa vision se fera plus conforme à la tradition, sans outrances ni affaiblissement d’aucune sorte, tant dans un Andante de rêve, où les cordes s’épanouissent à merveille dans la légère réverbération, rubato discret et typiquement viennois, attention constante à la ligne de chant des violons, staccato impeccable des transitions, que dans les méandres d’un Finale gigantesque aux éclats aussi rageurs que les échos impalpables des musiques hors scène sont bouleversants.
Et si il y a huit ans, à l’autre bout de la capitale, le maestro avait moyennement convaincu dans les volets centraux, il laisse ici une interprétation d’un parfait naturel, sans hiatus avec le reste de sa conception, dosant savamment chaque attaque, chaque phrasé, érigeant de longues périodes sans les menues chutes de tension qui entamaient toujours sa vision gravée au disque pour EMI en 2011.
Le chef britannique tend à désempeser, à limiter la solennité de son Urlicht, sobre, sans lenteur, cuivres en coulisses parfaits et épouse du maestro chantant au diapason de ses choix : en voix légère, courte de soutien, sans ligne de grande mahlérienne à l’ancienne comme Rattle en avait connu à ses débuts. Mais toujours avec un certain frémissement qui sera affaire de goût.
Quant au luxe de la présence des Berliner, que dire sinon qu’ils anéantissent toute concurrence lorsqu’ils jouent comme ce soir ! Dès la première attaque des violoncelles et contrebasses, puissante, tendue et électrique, le ton est donné : implication maximale, attaques au talon sacrifiant du crin d’archet et ampleur sonore grisante.
Et si les bois des Berliner sont d’une réelle beauté, au point que le flûtiste Andreas Blau, connu pour son vibrato généreux, semble n’avoir jamais si bien joué, on reste surtout pantois devant le niveau des chefs de pupitre des cuivres : le cor infaillible de Stefan Dohr, et plus encore la trompette de Gábor Tarkövi et le trombone d’Olaf Ott, stupéfiants, incroyables de sûreté, de musicalité et de rayonnement dans les tutti.
Seuls petits regrets, la voix qui bouge d’une Kate Royal au port pourtant altier, vibrato lâche et incapacité à démarrer vraiment piano, et l’engloutissement final du Chœur de la Radio néerlandaise, pourtant extrêmement bien sonnant et fort de quatre-vingt-dix membres, qui se laisse happer par la masse orchestrale au sommet de ses Auferstehn presque noyés dans un orchestre surpuissant, alors qu’il avait soulevé des montagnes à Lucerne en 2001 avec Riccardo Chailly.
Vétilles face à une Deuxième de Mahler consacrant la Philharmonie de Paris comme une véritable maison symphonique de rang international.
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Philharmonie, Berlin Le 18/02/2015 Yannick MILLON |
| Deuxième Symphonie de Mahler par les Berliner Philharmoniker sous la direction de Sir Simon Rattle à la Philharmonie de Paris. | Helmut Lachenmann (*1935)
Tableau
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 2 en ut mineur « Résurrection »
Kate Royal, soprano
Madgalena Kožená, mezzo-soprano
Chœur de la Radio néerlandaise
Berliner Philharmoniker
direction : Sir Simon Rattle | |
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