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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Faust de Gounod dans une mise en scène de Jean-Romain Vesperini et sous la direction de Michel Plasson à l’Opéra de Paris.
Faust victime du ni-ni
Fallait-il se lancer dans un Faust ni vraiment nouveau ni vraiment ancien ? Bâti sur les vestiges de la production Martinoty de 2011, baptisé tantôt nouvelle version tantôt nouvelle mise en scène, ce spectacle n’est ni totalement inutile car la musique est très bien servie, ni vraiment utile car la mise en scène est d’une indigence absolue. De quoi faire débat !
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Quitte à remettre Faust à l’affiche dans une nouvelle distribution, n’aurait-il pas mieux valu oublier totalement la production de 2011 qui n’avait plu ni à la critique, ni au public… ni à la direction de l’Opéra et en commander une toute neuve à un grand metteur en scène, digne des grands chanteurs affichés et de la partition ?
On a préféré garder la structure du décor de Johan Engels, dépouillée de tout autre élément, et confier une nouvelle mise en scène à Jean-Romain Vesperini et de nouveaux costumes à Cédric Tirano. Mauvaise pioche, car Vesperini n’a pas une idée intéressante à proposer sur l’œuvre, sauf quelques réminiscences de l’excellente production McAnuff du Met en 2011 – à moins que ce ne soient que des coïncidences. Et déjà le décor, avec ses escaliers en colimaçon et cette ouverture centrale si bien utilisée à New York et si mal ici à la Bastille, rappelle bien des choses… Coïncidence certainement aussi.
Hormis l’explosion d’un cercueil qui s’enflamme causant un choc au cœur à une partie du public, tout est convenu et maladroit dans ce que l’on voit. Les chœurs chantent en rang d’oignons face à la rampe le célèbre Gloire immortelle de nos aïeux et sont tassés dans un espace si étroit pour la valse de la kermesse – où l’on est dans un bar 1930 – qu’ils ne peuvent que se cogner le derrière les uns les autres dès qu’ils veulent bouger.
Pas de direction d’acteurs non plus car il n’y a aucune vision des personnages. On entre, on chante et on sort. Les costumes, 1930 eux aussi, semblent sortis d’une friperie en liquidation. Celui de Marguerite est particulièrement laid, peu seyant, dépourvu de tout charme, de toute séduction et de tout romantisme. Pas de quoi attirer l’œil de Faust.
Mieux vaut d’ailleurs s’en tenir à l’usage de nos oreilles, nous aussi, car la musique s’impose malgré tout, grâce à Michel Plasson, à l’orchestre et à une distribution d’un vrai niveau international digne de l’Opéra de Paris. On ne se lassera jamais de la façon magistrale qu’a Plasson d’aborder ce répertoire lyrique français. Il en connaît tous les secrets, sait en mettre en valeur tous les attraits, en estomper les éventuelles faiblesses.
C’est un travail dans l’intelligence, la subtilité, avec le sens des équilibres de timbres les plus habiles, des phrasés les mieux dessinés, des accents les plus significatifs. Il sait en outre laisser le chanteur vivre son chant librement tout en le maintenant dans la plus stricte rigueur rythmique. Tout est en place mais chacun mène quand même sa vie personnelle, orchestre et chant. Karajan aussi était grand maître en cette matière. La musique vit, respire, avance, nous concerne à chaque seconde, dans une osmose qui ne nuit jamais à l’individualité de chaque partie.
Piotr Beczala est un Faust convaincant qui surmonte aisément les pièges de sa partition. La voix sonne bien, de belle matière, toujours musicale. Il ne manque à son personnage que la dimension théâtrale correspondante et qu’on aurait dû lui donner. Il se débrouille tant bien que mal, comme la Marguerite de Krassimira Stoyanova. Très belle voix aussi, s’efforçant de faire oublier par la qualité de son chant son vilain accoutrement et l’absence de conception d’un personnage de la part du metteur en scène.
Remarquable Méphisto d’Ildar Abdrazakov, scéniquement sauvé par sa stature qui lui confère une présence incontournable, et excellent Valentin de Jean-François Lapointe, qui chante comme au concert, mais tellement bien ! Le minuscule Siebel d’Anaïk Morel et la maigrichonne Dame Marthe de Doris Lamprecht assurent bien, tout comme le solide Wagner de Damien Pass.
Le public ovationne les chanteurs, le chœur, le chef et l’orchestre, siffle un peu l’équipe de production mais pas beaucoup, car elle n’a rien proposé de choquant ni de scandaleux. Juste du très insignifiant.
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