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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Singin’in the rain, comédie musicale d’après le film de la MGM dans une mise en scène de Robert Carsen au Théâtre du Châtelet, Paris.
Fin du muet
Immense succès cinématographique tourné en 1952, devenu un des triomphes de la comédie musicale à partir de 1983, Singin’in the rain offre, tout en la raillant, la période historique qu’il célèbre : le passage du cinéma muet au parlant à la fin des années 1920. Sous forme d’un divertissement, les affres qui en découlent font salle comble au Théâtre du Châtelet.
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L’immense écran prend toute la largeur de la scène. En grosses lettres et noir et blanc le générique annonce la couleur de cette nouvelle production de Singin’in the rain : un hommage scénique à un film de cinéma qui est lui-même un hommage au cinéma. Au Théâtre du Châtelet, Robert Carsen tient son pari. Le sujet du film d’origine et du spectacle actuel, la charnière muet-parlant, se traite dans un savant échange entre la présence et les projections.
Nous sommes à Hollywood, en 1927. Après le générique remarquable, nous nous retrouvons devant le cinéma où se fête la première du film, encore muet, dont les vedettes pavoisent devant les photographes. Costumes et poses ravissent le regard, dans une gamme du noir au blanc où brille l’argent tout au long du spectacle. Une journaliste commente cette actualité, cela dure un peu trop, les flashbacks sur l’enfance misérable de la star idolâtrée, Don Lochwood, projetés en contradiction avec les vantardises énoncées font à peine rire : la mise en verve tarde.
L’annonce du premier film parlant cause quelque émoi. Faut-il et comment réagir ? Quel film produire ? Impliqués dans la création d’une œuvre d’un genre nouveau, nous voici dans les coulisses du studio où se tournent et se discutent intrigues et déclarations d’amour. C’est un peu lent jusqu’au solo bondissant, acrobatique et burlesque de Cosmo Brown, le pianiste et compositeur complice de Don Lockwood.
Daniel Crossley renverse alors la pesanteur. Et Don Lockwood, idole du muet, prouve qu’il sait aussi chanter et danser. Dan Burton, habitué talentueux des productions de comédies musicales sur les scènes londoniennes, est vraiment le séducteur qu’il incarne, timbre chaleureux, expressivité naturelle et nuancée, aisance, claquettes parfaites, élégance et charme innés.
La dynamique est lancée. La complexité des rapports derrière l’écran est prétexte à quiproquos savoureux, incidents expérimentaux amusants, bons mots et plaisanteries. La bonne humeur et l’optimisme règnent du plateau à la salle ravie par les gags, les pantomimes, les numéros de claquettes. Les duos des deux complices seront autant de moments de danse jouissifs, notamment dans celui où, gestes identiques et simultanés, ils reprennent les exercices d’articulation d’une certaine Miss Dinsmore, Jennie Dale, qui se révèle aussi brillante avec ses claquettes qu’avec les mots en les rejoignant pour un trio mémorable.
Car la star du muet, Lina Lamont, malgré ces leçons de diction fort drôles que lui donne Miss Dinsmore, ne vient pas à bout de sa voix de crécelle. Il lui faut une doublure vocale. Quels que soient les épisodes de sa lutte pour demeurer au firmament, splendide, Emma Kage Nelson tient son rôle d’icône orgueilleuse, méchante et menacée avec une hauteur de grande actrice.
Clare Halse est engagée. De celle-ci, charmante, Don Lockwood tombe amoureux, évidemment. Or Lina Lamont voudrait son partenaire aussi passionné dans la vie qu’au cinéma, mais il ne la supporte pas. Kathy Selden joue Clare Halse, timbre clair et corps joliment dansant. Leur couple gagnera, évidemment.
Sur la chorégraphie inventive de Stephen Mear se renouvelle le plaisir des numéros de danse, à deux, à trois, performants, enthousiastes. Sous la supervision de Gareth Valentine dans la fosse s’enchaînent les rythmes et les chansons de Nacio Herb Brown et Arthur Freed, déjà populaires quand Bettyy Colden et Adolph Green imaginèrent un scénario autour d’elles. Le chef britannique euphorise cette musique efficace et sans prétention à laquelle adhère l’Orchestre de Chambre de Paris.
Un Ensemble composé de jeunes et beaux danseurs parfaitement synchronisés pare l’intrigue. Le ballet onirique où l’or les vêt renouvelle notre plaisir, toujours vif mais un peu convenu. Sans surprise ni la magie d’Un américain à Paris, Singin’in the rain ravit le spectateur transporté dans le monde disparu des premières fabrications du rêve. Une évasion que complète un programme d’une érudition exemplaire.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 12/03/2015 Claude HELLEU |
| Nouvelle production de Singin’in the rain, comédie musicale d’après le film de la MGM dans une mise en scène de Robert Carsen au Théâtre du Châtelet, Paris. | Singin’in the rain
Orchestre de Chambre de Paris
direction : Gareth Valentine
mis en scène : Robert Carsen
costumes : Anthony Powell
chorégraphie : Stephen Mear
décors : Tim Hatley
Ă©clairages : Robert Carsen & Giuseppe Di Lorio
Avec :
Dan Burton (Don Lockwood), Daniel Crossley (Cosmo Brown), Clare Halse (Kathy Selden), Emma Kate Nelson (Lina Lamont), Robert Dauney (R. F. Simpson), Jennie Dale (Dora Bailey et Miss Dinsmore), Matthew Gonder (Roscoe Dexter), Matthew McKenna (Rod & Tenor), Karen Aspinall (Zelda Zanders). | |
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