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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production du Pré aux clercs de Herold dans une mise en scène d’Éric Ruf et sous la direction de Paul McCreesh à l’Opéra Comique, Paris.
L’opéra de Grand-Papa
Après Zampa en ouverture de la première saison de Jérôme Deschamps à l’Opéra Comique, en conclusion de son mandat, voici du même Ferdinand Herold Le Pré aux clercs. Qu’en est-il en 2015 de l’ouvrage qui resta le plus longtemps au répertoire de l’Opéra comique avec plus de 1600 représentions jusqu’en 1949 et qualifié par certains de chef-d’œuvre ?
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Certes, 1600 représentations, le chiffre donne à réfléchir. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas reprendre ce Pré aux clercs alliant l’intérêt du drame au charme du lyrisme selon sa réputation ? Ferdinand Herold nous est présenté comme un romantique qui excellait à conjuguer les goûts de son temps. Doué, le compositeur célèbre en son temps et mort jeune en pleine gloire, l’était. Sa musique pleine d’entrain à défaut d’être vraiment personnelle change de couleurs selon les situations qu’elle éclaire et porte. On regrette que sur le plateau celles-ci ne s’en gorgent pas.
Dans un décor planté d’arbres d’une neutralité exemplaire, vêtus d’oripeaux ou costumes en tous genres de la Renaissance, des personnages plus ou moins historiques échangent des propos heureusement sur-titrés quand ils chantent – ce qu’ils savent et font bien – mais difficiles à suivre dans le parlé tant ils y sont mal à l’aise.
Il y a là , sous le règne d’Henri III, sa sœur Marguerite de Valois, reine de Navarre revenue au Louvre, curieusement coiffée d’un bibi noir à sa première apparition, sa protégée Isabelle de Montal, jeune fille protestante amoureuse d’un huguenot, le baron de Mergy, qui l’aime mais ne peut le dire, et le marquis de Comminge, bon catholique proche du roi qui veut épouser Isabelle à sa grande horreur. Les interprètent la mezzo-soprano Marie Lenormand, la soprano Marie-Eve Munger, le ténor Michael Spyres dont la présence et la voix s’imposent aussitôt arrivé, excellent, le ténor Emiliano Gonzalez Toro.
Côté peuple, le cabaretier Girod, Christian Helmer, assure son rôle, son timbre de baryton-basse parlé ou chanté aussi bien projeté dans ses scènes avec sa Nicette chérie, la soprano Jaël Azzaretti, pétillante de vitalité. Le chanteur en vogue à la Cour, Cantarelli, participe comme il peut aux étapes d’une intrigue multiple entre tout ce beau monde, suivie de près par Marguerite de Valois, aussi royale que Comminge est noble. Plein de faconde, le ténor Éric Huchet réussit à nous faire sourire. Un record dans cette mise en scène figée.
Dans ce « théâtre du premier degré », le revendique Eric Ruf, « il faut jouer droit et direct, assumer le suspens, les guet-apens, les quiproquos. » Hélas, ni suspens ni guet-apens ne provoquent notre curiosité. Aucune imagination ne personnalise les émois prétendus. Dans la « beauté naturelle » du décor pratiquement immuable, le premier degré colle à la vue.
La succession de propos plus ou moins audibles – ce qui n’est finalement pas grave tant sont convenus ceux qu’on comprend – ne soutient aucune progression dramatique de la duplicité ou des sentiments censés évoluer sous nos yeux en une distrayante conspiration.
Privés de toute direction d’acteur (un comble de la part d’un brillant sociétaire de la Comédie Française), l’inexpressivité plus ou moins égale, peu soucieux d’articulation quand ils dialoguent, les chanteurs face au public se contentent de lever parfois les mains ou de plier un coude, dépersonnalisant les airs, duos et trios les plus séduisants dont ils servent heureusement la musicalité, alignant les numéros de vocalise au grand plaisir des spectateurs sensibles aux roulades.
Les danses ne brillent d’aucun piment, la mascarade au Louvre n’est pas fête folle mais comprime une foule vaguement bariolée où le Chœur Accentus se confond dans la sonorité excessive. « Le grand spectacle populaire et total, mêlant les genres et les tons avec une ambition shakespearienne… » (en toute modestie !) manque sa cible. C’est la partition de Ferdinand Herold la plus éloquente. Sous la direction précise de Paul McCreesh, sa vitalité fait loi quand elle manque sur scène même si l’Orchestre Gulbenkian joue parfois trop fort.
Sous prétexte de réalité temporelle, Éric Ruf banalise ce témoignage du XIXe siècle. Alors que le Pré aux clercs a tout pour devenir un nanar délicieusement caricatural comme au cinéma.
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Opéra Comique - Salle Favart, Paris Le 24/03/2015 Claude HELLEU |
| Nouvelle production du Pré aux clercs de Herold dans une mise en scène d’Éric Ruf et sous la direction de Paul McCreesh à l’Opéra Comique, Paris. | Ferdinand Herold (1791-1833)
Le Pré aux clercs, opera-comique en trois actes (1832)
Livret d’Eugène de Planard d’après Chronique du règne de Charles IX de Prosper Mérimée
Chœur Accentus
Orchestre Gulbenkian
direction : Paul McCreesh
mise en scène et décors : Éric Ruf
costumes : Renato Bianchi
éclairages : Stéphanie Daniel
Avec :
Marie Lenormand (Marguerite de Valois), Marie-Eve Munger (Isabelle de Montal), Jaël Azzaretti (Nicette), Michael Spyres (Baron de Mergy), Emiliano Gonzalez Toro (Marquis de Comminge), Eric Huchet (Cantarelli), Christian Helmer (Girot), et quatre membres du Chœur Accentus : Olivier Déjean (le brigadier), Grégoire Fohet-Duminil (l’exempt du guet), Thomas Roullon, Jean-Christophe Jacques (les archets). | |
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