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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Parsifal dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov et sous la direction de Daniel Barenboim au Staatsoper de Berlin.
Parsifal démystifié
Dans sa mise en scène de Parsifal, le trublion russe Dmitri Tcherniakov élimine toute notion sacrée de l’œuvre pour la reporter dans un monde réel et contemporain, au risque de passer complètement à côté du sujet. Heureusement, la direction évidente de Daniel Barenboïm et une excellente distribution portent l’ouvrage.
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Entre la mise en scène classique, simple traitement du livret, et celle dite de Regietheater, source de polémique basée sur une exaltation des sujets, est apparue depuis une décennie une troisième voie, à laquelle Dmitri Tcherniakov s’intègre. Ce courant néo-réaliste, fondé sur la transposition de l’intrigue initiale vers un monde réel aux codes contemporains, prend le risque de faire rentrer les ouvrages aux forceps dans un concept inédit, sans toujours leur apporter un éclairage nouveau.
La production de Parsifal au Schiller Theater de Berlin suit cette voie, obligeant à suivre une histoire moderne et concrète malgré un sujet mystique et ancien. Le décor hexagonal proche de celui de la création de 1882, basé sur la cathédrale de Sienne, subit l’insertion de fenêtres et d’une voûte en poutres de bois, dans l’optique de transformer le bâtiment religieux en pièce communautaire. Gurnemanz y dispense un cours sur diapositives à une nouvelle communauté de fidèles, subjuguée à la vue des photos du décor originel des metteurs en scène Max Brückner et Paul von Joukowsky.
Le II s’inscrit dans un cadre analogue, pour l’occasion repeint en mauve pâle, dans lequel sont installés des bancs parallèle aux murs. Cet intérieur de salle polyvalente laisse apparaître le sorcier Klingsor en pédophile. Suivant le conseil de Paul Valéry, pour lequel les pires monstres ont besoin d’un enfant pour exister, Tcherniakov plonge le mal dans le plus inacceptable crime de la société moderne et adapte les Filles-fleurs en jeunes écolières qu’on amadoue avec des bonbons. La passion si souvent traitée par le rouge vif dans cette partie devient ici dissimulée lorsque Parsifal emmène Kundry hors scène, et malsaine lorsqu’il s’agit des attouchements du directeur (Klingsor) envers la maîtresse d’école (Kundry).
Le III reprend les codes du I en développant une histoire confuse dans laquelle Kundry tient un rôle suffisamment important pour rester en scène jusqu’à la fin. Amfortas libéré l’embrassera et trouvera l’amour dans la rédemption, avant que Gurnemanz ne détruise tout en tuant cette femme, emmenée définitivement en dehors du plateau par un Parsifal devenu vagabond, passé progressivement du bien vers le mal au cours de l’opéra.
Tcherniakov refuse à la fois les penchants sacrés et métaphysiques, autant que l’essence même du mythe de Parsifal, et ne laisse au spectateur que la nécessité d’accepter la transposition en effaçant toute transcendance. Ne reste alors que l’intelligence d’une dramaturgie moderne parfaitement travaillée, et de magnifiques décors aptes à servir les dix ou quinze prochaines années à Pâques.
Avec une véritable ferveur, Daniel Barenboïm conduit chaque épisode orchestral sans rechercher une forme globale à l’ouvrage, dans une direction aux penchants épiques développant particulièrement le réalisme de la mise en scène, principalement dans les sons de cloches des transitions, réels au point de rejeter toute spiritualité. Remarquablement préparée, la Staatskapelle Berlin fait ressortir les graves des cordes et recourt à un léger vibrato prêt à donner de la vie à chaque note, sans pour autant insuffler le moindre versant sacré.
La distribution, d’un haut niveau, permet de découvrir l’ampleur d’Anja Kampe, Kundry bien plus puissante que naguère, seulement en difficulté dans ses grands aigus, mais fantastique de présence scénique. René Pape défend un Gurnemanz émouvant à la projection parfois discrète mais au charisme toujours admirable, alors que Wolfgang Koch (Amfortas), superbe de stature mais en difficulté au début du I, prend grâce dès le monologue. Le Parsifal d’Andreas Schager se joue de sa partie en y apportant un héroïsme proche de celui de Siegfried, son accoutrement entre t-shirt flashy, sweat à capuche et sac de couchage étant en revanche franchement ridicule, ne trouvant qu’un beau dessin au II dans les images de l’enfance.
Pour une fois, Klingsor est vocalement passionnant, Tómas Tómasson ayant une bonne projection, une diction précise et un timbre idéal pour le rôle, et Matthias Hölle, chantant sur scène une fois sorti de son cercueil, convainc sans approfondir le personnage de Titurel, délaissé par la mise en scène. Reste un chœur admirable et d’excellent chevaliers, plus convaincants que des Filles-fleurs légèrement en deçà .
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Staatsoper im Schiller Theater, Berlin Le 18/04/2015 Vincent GUILLEMIN |
| Nouvelle production de Parsifal dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov et sous la direction de Daniel Barenboim au Staatsoper de Berlin. | Richard Wagner (1813-1883)
Parsifal, festival scénique sacré en trois actes (1882)
Livret du compositeur
Chœur de la Staatsoper de Berlin
Staatskapelle Berlin
direction : Daniel BarenboĂŻm
mise en scène & décors : Dmitri Tcherniakov
costumes : Elena Zaytseva
Ă©clairages : Gleb Filshtinsky
préparation des chœurs : Martin Wright
Avec :
Wolfgang Koch (Amfortas), René Pape (Gurnemanz), Andreas Schager (Parsifal), Tómas Tómasson (Klingsor), Anja Kampe (Kundry), Matthias Hölle (Titurel), Sónia Grané, Annika Schlicht, Stephen Chambers, Jonathan Winell (Knappen), Paul O’Neill, Grigory Shkarupa (Gralsritter), Julia Novikova, Adriane Queiroz, Sónia Grané, Narine Yeghiyan, Annika Schlicht, Anja Schlosser (Blumenmädchen), Annika Schlicht (Stimme aus der Höhe). | |
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