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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création mondiale de l’opéra CO2 de Giorgio Battistelli dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Cornelius Meister à la Scala de Milan.
L'opéra sauve la planète
Donné en première mondiale à la Scala, le nouvel opéra de Giorgio Battistelli, CO2, d’après un livret en neuf scènes d’Ian Burton, choisit l’écologie pour sujet sans rien nous apprendre de nouveau sur le problème. Mais le spectacle fonctionne grâce à la musique et à l’engagement du plateau, dans la mise en scène conventionnelle de Robert Carsen.
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Si l’on espérait apprendre du nouveau sur l’écologie et les désastres de l’Homme sur Terre, ou ressortir profondément marqué par la nouvelle création du Teatro alla Scala, il faudra encore attendre. Le spectacle efficace de Robert Carsen rend avant tout accessible une musique faisant toujours peur à une large partie du public, tandis que le livret d’Ian Burton d’après An Inconvenient Truth d’Al Gore n’est qu’une redite déjà dépassée et avant tout catastrophiste de l’état de la planète.
Après le prologue en forme de monologue récité devant un pupitre, Anthony Michaels-Moore nous emmène avec sa voix posée de baryton dans le personnage de David Adamson, à travers plusieurs tableaux plus ou moins réussis. Le sujet très didactique alterne des scènes convaincantes et d’autres beaucoup moins, dans un exposé déjà vu à de nombreuses reprises entre documentaires télévisés et Internet.
La forêt paradisiaque aux herbes montantes à feuilles de cannabis rappelle le décor de la Plage, le film de Danny Boyle avec Leonardo DiCaprio, mais fonctionne grâce à Adam et Eve, presque nus et tous deux noirs pour coller à la réalité scientifique du berceau africain de l’humanité. Pumeza Matshikiza (Eve) est particulièrement remarquable dans sa gestion des hauteurs, en plus d’avoir une plastique et une voix agréables. Sean Panikkar reste plus en retrait, surtout dépassé par le Serpent du contre-ténor David DQ Lee, jouant à sortir de sa veste nombres de petits congénères qu’ils jettent au fur et à mesure dans le trou du souffleur à l’avant-scène.
La partie de l’ouragan séduit grâce à la chorégraphie du ballet, assistée par les vidéos concrètes de Finn Ross, d’où ressortent entre autres aux cours de l’œuvre les clichés d’Edward Burtynsky. En revanche, l’excès de didactisme fatigue dès lors que des scientifiques ou Adamson nous assènent courbes et graphiques afin d’appuyer des thèses que l’on ne peut lire à l’écran par manque de temps, ou dans la scène de l’aéroport quand des avions sont tous annulés les uns après les autres sur l’écran des départs.
La bataille des caddies n’apporte rien de neuf dans le réalisme de la société de consommation, pas plus que la joute à l’ONU lors de la conférence de Kyoto, permettant seulement de mettre en avant la performance du délégué russe Petro Ostapenko. Le huitième tableau en hommage à Gaia, portée par la voix plus mature et techniquement la plus solide de la soirée, Jennifer Johnston, parvient à remettre un peu d’onirisme avant l’apocalypse et un dernier monologue, sans faire oublier les trop nombreuses références à la marque Apple durant toute la soirée.
Heureusement, la fosse fait plus qu’accompagner le spectacle grâce à une musique intéressante à défaut d’être avant-gardiste, et surtout à un orchestre de grande classe dirigé avec précision par Cornelius Meister. La composition de Battistelli, formé chez Stockhausen et Kagel, tire ses ressources d’un matériau vocal lié à Britten et d’une substance symphonique rappelant Varèse dans la couleur et Berg dans le soutien à l’action, parfois même avec des teintes déjà entendues dans le Brokeback Mountain de Charles Wuorinen, créé l’an dernier à Madrid, notamment aux cordes graves.
Le jeune chef allemand traite la partition comme celle d’un ouvrage classique en agençant plateau et orchestre par une battue claire et lyrique. Il fait sonner à merveille les percussions très sollicitées de l’Orchestra del Teatro alla Scala et s’attache particulièrement à créer une atmosphère sombre dès que les violoncelles et contrebasses l’imposent, ou plus poétique avec le reste de l’orchestre, superbement assisté par les interventions du chœur. Très chaleureusement applaudi, le compositeur devrait proposer une version de chambre s’il souhaite que son nouvel opéra soit souvent joué, sans imposer un orchestre de quatre-vingts musiciens, très compliqué à trouver aujourd’hui pour la création contemporaine.
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Teatro alla Scala, Milano Le 16/05/2015 Vincent GUILLEMIN |
| Création mondiale de l’opéra CO2 de Giorgio Battistelli dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Cornelius Meister à la Scala de Milan. | Giorgio Battistelli (*1953)
CO2, opéra en un prologue, neuf scènes et un épilogue
Livret d’Ian Burton
Coro del Teatro alla Scala
Orchestra del Teatro alla Scala
direction : Cornelius Meister
mise en scène : Robert Carsen
décors : Paul Steinberg
costumes : Petra Reinhardt
éclairages : Peter van Praet
vidéos : Finn Ross
préparation des chœurs : Bruno Casoni
Avec :
Anthony Michaels-Moore (David Adamson), Dennis Wilgenhof (Archange Raphael), Alain Coulombe (Archange Uriel), Orla Boylan (Archange Gabriel), Alessandro Spina (Archange Michael), Nathan Berg (1er scientifique), Sean Panikkar (Adam), Pumeza Matsshikiza (Ève), David DQ Lee (Serpent), Jennifer Johnston (Gaia). | |
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