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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Traviata de Verdi dans une mise en scène de Rolando Villazón et sous la direction de Pablo Heras-Casado au festival de Pentecôte de Baden-Baden 2015.
Traviata et youpla boum !
Gros hiatus, pour cette nouvelle production, entre une mise en scène spectaculaire mais fatigante de Rolando Villazón, qui place la Traviata dans un cirque, et une prestation musicale pleine de finesse de la part d’un trio idéal, emmené par une éblouissante Olga Peretyatko, et soutenu par un très attentif Pablo Heras-Casado.
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Cela fait quelques années que Rolando Villazón s’adonne à la mise en scène, et l’on peut déjà en conclure que le ténor aime la fantaisie et le regard décalé. Ainsi, après un Werther déjà au cirque (Lyon, 2011) et un Elisir d’amore au far-west (Baden-Baden, 2012), voici la Traviata de nouveau sous un chapiteau.
Pourquoi diable ? Violetta, agonisante, se remémore son passé glorieux et son amour avec Alfredo. Cet autrefois prend la forme d’un cirque grâce à un immense décor aux couleurs assez criardes où les lumières clignotent quand des fumigènes (totalement incongrus) n’envahissent pas la scène dans le dernier tableau. Dans ce cadre virevoltent figurants, acrobates, choristes vêtus de costumes tous plus improbables les uns que les autres. Tout ce monde gigote à qui mieux mieux, parasitant l’action et surtout – c’est le plus grave – anesthésiant souvent l’émotion et ôtant son poids tragique à un livret qui n’en manque pas.
L’autre idée-force de cette vision est très carsénienne puisqu’elle consiste à doubler Violetta par une acrobate trapéziste, l’une semblant être la mourante, l’autre la mondaine. L’articulation des rôles n’est cependant pas toujours claire et devient gênante lorsque, par exemple dans le finale, les chanteurs s’adressent à l’acrobate (qui hélas ne dispose de guère de charisme) et non à la chanteuse reléguée à l’avant-scène.
Par ailleurs, le réglage de ces allers et venues se fait au détriment de la direction d’acteurs et de l’approfondissement des personnages principaux, le plus sacrifié étant Germont, qui apparaît II telle une statue de Commandeur et réapparaîtra de la même manière au dernier tableau, sans manifester aucune forme de repentir.
Tout ce cirque va de surcroît à l’encontre de la prestation musicale qui joue en contraste la carte de l’intimité, de la finesse et de la tendresse. Pablo Heras-Casado fait en effet preuve d’une grande simplicité et d’une grande transparence dans sa direction, sans toutefois lésiner sur les décibels à certains moments. On retiendra également les belles couleurs du Balthasar-Neumann-Ensemble, notamment ses bois. Très belle prestation du Balthasar-Neumann-Chor également.
La finesse, on la trouve surtout chez les trois chanteurs principaux qui forment un plateau de rêve. Olga Peretyatko est renversante par la netteté et les nuances de son chant, l’émotion qu’elle réussit à distiller, notamment dans un Addio del passato bouleversant. Très à l’aise scéniquement, on rêve de la voir dans une production plus sage où elle pourrait mieux mettre en valeur les qualités de sa voix, de sa technique (vocalises impeccables, contre-mib bien là , même si prudent) et sa musicalité, car si on a connu incarnations plus folles voire plus spectaculaires, on n’a pas toujours entendu autant de musique dans ce rôle.
Elle forme avec l’Alfredo d’Atalla Ayan un très beau couple d’autant que leurs voix se marient fort bien. Lui dispose d’un superbe timbre et d’une belle technique (facile contre-ut dans sa cabalette) et d’une projection lui permettant de remplir la vaste salle du Festspielhaus sans donner l’impression de forcer. Et là encore, on remarque un très bon musicien. Les mêmes qualités sont à noter chez le Germont de Simone Piazzola (remplaçant Ludovic Tézier) dont on admire la voix de bronze (rappelant un Renato Bruson), la ligne somptueuse et une solidité à toute épreuve. Tout au plus pourra-t-on regretter des accents appuyés et extérieurs quelque peu déplacés.
On aurait donc aimé entendre tous ces musiciens admirables dans une petite salle avec une mise en scène plus intimiste ou bien à l’inverse disposer de plus grandes voix pour cette production jouant autant la carte du divertissement et ce, jusqu’aux saluts presque insupportables avec des acrobates en faisant des tonnes, et où tous les choristes montrent du bras chaque chanteur qui entre pour saluer. Bon, Rolando, on arrête de rire pour la prochaine mise en scène d’un opéra tragique ?
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Festpielhaus, Baden-Baden Le 22/05/2015 Pierre-Emmanuel LEPHAY |
| Nouvelle production de la Traviata de Verdi dans une mise en scène de Rolando Villazón et sous la direction de Pablo Heras-Casado au festival de Pentecôte de Baden-Baden 2015. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Traviata, melodramma en trois actes (1853)
Livret de Francesco Maria Piave d’après la Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils
Balthasar-Neumann-Chor
Balthasar-Neumann-Ensemble
direction : Pablo Heras-Casado
mise en scène : Rolando Villazon
décors : Johannes Leiacker
costumes : Thibault Vancraenenbroeck
Ă©clairages : David Cunningham
chorégraphie : Philippe Giraudeau
préparation des chœurs : Detlef Bratschke
Avec :
Olga Peretyatko (Violetta), Atalla Ayan (Alfredo), Simone Piazzola (Germont), Christina Daletska (Flora), Emiliano Gonzales Toro (Gastone), Tom Fox (Douphol), Lonstantin Wolff (Marqui d’Obigny), Walter Fink (Docteur Grenvil), Deniz Uzun (Annina), Suzanne Preissler (le double de Violetta), Marie Le Roy, Julia Janson, Amin Elbarkaoui, Paolo Handel, Matthieu Sparma (danseurs/acrobates). | |
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