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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert Brahms de l’Orchestre du festival de Budapest sous la direction d’Iván Fischer à la Philharmonie de Paris.
Brahms tout simplement
Soirée brahmsienne rêvée aux côtés des musiciens hongrois du Budapest Festival Orchestra, que le travail d’Iván Fischer a métamorphosé au fil des ans. Pour preuve, une exécution d’une parfaite évidence des deux dernières symphonies du maître de Hambourg à la Philharmonie de Paris. Avec une surprise de taille en guise de bis.
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Il y a bientôt quinze ans qu’on n’avait plus entendu sur le vif l’Orchestre du Festival de Budapest, qui nous avait laissé un souvenir cruel au festival de Besançon, au point de nous tourner depuis, à chacune de ses apparitions parisiennes salle Pleyel, vers d’autres manifestations. Jusqu’à ce que, la rumeur et le choix alléchant du répertoire aidant, doublés de l’acoustique de la Philharmonie de Paris, nous décidions de retenter l’expérience.
À l’entracte, après une Troisième Symphonie de rêve, équilibrée comme jamais, presque sereine dans sa conduite en toute lisibilité polyphonique et pourtant d’une magnifique énergie sans brutalité, on se mord les doigts d’avoir boudé si longtemps une phalange qui a atteint son niveau de croisière, débarrassée des scories qui encombraient nos souvenirs, grâce au véritable travail de fond opéré par le très tenace Iván Fischer.
Car imprimer à la Troisième, la plus difficile, délicate et mystérieuse des symphonies de Brahms, un tel degré d’évidence n’est pas donné à n’importe qui. Avec une transparence de chaque instant malgré un effectif cossu, dans une disposition acoustiquement pertinente, contrebasses derrière les bois, violons en antiphonie, trompettes et trombones isolés derrière les seconds violons et altos, l’OFB expose un son fin et tendu, jamais opaque, attaques franches et articulation constamment soutenue, cantonnement à un niveau sonore décent, aux antipodes du matraquage de Christoph Eschenbach à la tête des Wiener récemment au TCE.
Le son n’est ici jamais une fin en soi, toujours au service d’une expression naturelle, non contrainte, pleine de vie et d’une magnifique respiration, dans des tempi alertes quoique jamais pressés, portant une exécution où seul le Finale se voit un rien poussé dans ses retranchements. Il est jusqu’aux sommets expressifs de l’Andante, qui ne traîne à aucun moment, de bénéficier, dans l’ultime épanchement des premiers violons, d’un art idéal du démanché proche du glissando, permettant un legato royal.
Les Hongrois ont aussi à offrir à cette musique lorgnant si souvent vers les rythmes et mélodies magyars quelques spécificités sonores : une clarinette un peu verte, génialement Mitteleuropa, des cors drus et coupants, mais si bien intégrés à la masse qu’on remarque à peine leur singularité, au sein d’une harmonie posant les ultimes accords dans une justesse absolue, avec apaisement.
Sans parvenir au même miracle, la Quatrième Symphonie, que se sont tant accaparée les immenses chefs du passé dont le souvenir reste prégnant, propose là encore quelques moments d’anthologie, avec une battue plus rubato mais le même soin à relancer le discours, à soigner les transitions, à faire chanter un Andante moderato remarquable d’avancée et de plénitude. Sans négliger quelques grisants emballements comme cette coda du premier mouvement relâchant la tension sur le dernier accord, ou ce Scherzo offrant au triangle son petit moment de gloire, le percussionniste placé au dernier rang des premiers violons pour mieux marquer ce trait d’orchestration si rare chez Brahms.
Après une passacaille dont on peut suivre avec limpidité la structure, sans manquer une miette des incessantes répétitions du motif de la basse, dans ce Finale où brille un solo de flûte radieux, parfait point d’équilibre entre sons droits et vibrato accompagnant la nuance, et où le geste se fait plus impétueux à l’approche du dénouement, nous attendait la plus grosse surprise du concert.
Pour répondre aux applaudissements nourris, Fischer fait signe aux instrumentistes de se mélanger et, instruments posés, les musiciens, plutôt qu’une incontournable et énième danse hongroise, proposent une lecture du choral Es geht ein Wehen durch den Wald de Brahms, l’orchestre transformé en chœur de superbe niveau, chacun poussant la note dans cet hommage à Bach à cinq voix, avec une justesse prouvant l’étendue des dons de ces Hongrois qui ont la musique dans le sang. Une soirée au service du génie de Brahms, tout simplement !
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Philharmonie, Paris Le 26/05/2015 Yannick MILLON |
| Concert Brahms de l’Orchestre du festival de Budapest sous la direction d’Iván Fischer à la Philharmonie de Paris. | Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie n° 3 en fa majeur op. 90
Symphonie n° 4 en mi mineur op. 98
Budapest Festival Orchestra
direction : Iván Fischer | |
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