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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert du Philadelphia Orchestra sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, avec la participation du pianiste Emmanuel Ax au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Une baguette impérative
Les trois Viennois choisis par le jeune et brillant chef d’orchestre canadien pour sa tournée avec le Philadelphia Orchestra offraient un programme sûr. La précision et la détermination de son interprétation en ont caractérisé l’engagement, par moments quelque peu lapidaire. Sauf avec la présence lumineuse d’Emmanuel Ax.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 30/05/2015
Claude HELLEU
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C’est au milieu du concert que le bonheur nous est donné dans sa plénitude. Tourné vers l’orchestre, l’écoutant lui ouvrir la voie dans le Concerto n° 3 en ut mineur de Beethoven, Emmanuel Ax va le rejoindre en une montée de gammes dont la clarté, la profondeur et la netteté imposent d’emblée la sobre beauté de leurs sonorités. Sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, le Philadelphia Orchestra l’accueille sur la même longueur d’ondes, à mille lieues des outrances de la Troisième Symphonie de Brahms puis de la suite du Chevalier à la rose de Richard Strauss qui entourent ce moment exceptionnel.
L’entente règne, simple, magnifique, vraie. Si Emmanuel Ax demeure l’âme d’un dialogue à l’équilibre rare, l’écoute réciproque s’ouvre à l’éloquence de ses répliques. Soliste toujours, oui, mais se voulant un musicien avec les autres, habité de leur partition comme de la sienne, sauf à s’engager dans la cadence éblouissante du premier mouvement, c’est extraordinaire de voir ce grand pianiste dont chaque phrasé resplendit le plus naturellement du monde ne pas quitter des yeux les pupitres que ses trilles accompagnent, ou de le voir tel un seigneur dans le Largo épouser les bois et cordes fondus autour de lui ; comme de participer aux échanges serrés, à l’entrain enthousiaste du Rondo éblouissant qui conclut ce moment de grâce.
La Symphonie n° 3 de Brahms en était à l’opposé, la complexité de l’œuvre autoritairement abordée. À grands gestes, la battue raide et précise de Yannick Nézet-Séguin commande l’énergie du premier mouvement, Allegro con brio, certes, mais presque uniquement. Un tutti fortissimo y témoigne de l’homogénéité du Philadelphia, dont on appréciera mieux les pupitres dans l’Andante. Les cordes graves, notamment, unies aux bassons, apportent une profondeur au balancement imprécis de sa sérénité.
Sinon, des tempi qui s’étiolent, repartent, des langueurs déroutantes, on ne sait pas très bien où voudrait nous emmener le chef ; ni ce qu’il privilégie dans le Poco allegretto qui suit. Quel caractère entend-il donner à sa célèbre mélodie ? Du moins jouissons-nous du chant des cordes et de la voix des bois dans ses reprises, celles-ci capables de pianissimi idylliques en accompagnement des vents enfin personnels qui prennent le relais. Le cor y tient son rôle magnifiquement.
Toujours sans rupture, comme pour les mouvements précédents, le chef canadien enchaîne l’Allegro final. Et là , ces longs bras péremptoires mais partie prenante d’un orchestre qu’il ne quitte jamais des yeux, d’autant qu’il le dirige par cœur, le cravache en toute évidence. Héroïsme sourd et volontaire, explosion d’énergie atteignent une densité absolue. La détermination des nuances impose l’évolution d’un combat dont la victoire connaît la paix. La lumière a rejoint l’engagement audacieux de ce chef qui se montrera sous un éclairage si différent avec Emmanuel Ax un peu plus tard.
« Un trou normand », annonce Yannick Nézet-Séguin après le concerto de Beethoven, et les deux complices nous jouent à quatre mains une valse de Brahms, pause charmante et insignifiante avant la Suite pour orchestre qu’est sous cette forme un copier-coller d’extraits du Chevalier à la rose, un montage dont on ignore l’auteur mais dont Richard Strauss autorisa la publication.
Scènes de l’opéra incarnées dans la seule musique, cocktail des sentiments qui s’y heurtent ou s’y séduisent, leur succession s’emporte dans un tourbillon sans subtilité. Les élans, les retombées rigides, les éclats fracassants, les valses alambiquées proposent néanmoins une palette de couleurs qui rend justice à la qualité de l’orchestre et à sa maîtrise d’une telle richesse orchestrale sous la férule d’un chef dont certains n’épousent pas les points de vue, tandis que la majeure partie du public acclame sa rigoureuse brillance.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 30/05/2015 Claude HELLEU |
| Concert du Philadelphia Orchestra sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, avec la participation du pianiste Emmanuel Ax au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie n° 3 en fa majeur op. 90
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour piano et orchestre n° 3 en ut mineur op. 37
Emmanuel Ax, piano
Richard Strauss (1864-1949)
Le Chevalier Ă la rose, suite pour orchestre
The Philadelphia Orchestra
direction : Yannick NĂ©zet-SĂ©guin | |
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