|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Nouvelle production du Bal masqué de Verdi dans une mise en scène de Paul-Émile Fourny et sous la direction de Roberto Rizzi Brignoli à l'Opéra-Théâtre de Metz.
Un film noir
Sous la direction volontaire de Roberto Brizzi Brignoli et magnifié par la présence de Jean-François Borras, Metz s'offre un Ballo in Maschera de grande classe. La mise en scène de Paul-Emile Fourny déplace dans l'Amérique des romans noirs et des films d'action une intrigue pleine de complexité et de fausses pistes.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
Ce Ballo in Maschera messin figure parmi les heureuses surprises de cette fin de saison. Pari d’autant moins évident que l’œuvre traîne une popularité qui en dissimule toute la difficulté et les chausse-trappes. Tant dramatiquement que musicalement, il faut y maintenir un équilibre souvent périlleux qui menace d’emporter l’interprétation dans un tout-venant anecdotique.
Derrière la façade en toc d’une intrigue de cape et d’épée, Verdi dispose ses personnages sur l’échiquier psychologique d’une intrigue somme toute assez banale. On peut aujourd’hui rester insensibles aux circonstances délicates qui attirèrent sur cet opéra les suspicions de la censure politique. Cela nous vaut un livret assez mince d’Eugène Scribe (revu et corrigé par Antonio Somma) au cours duquel le régicide de Gustave III de Suède se transforme en meurtre passionnel dans la haute société américaine de la fin du XIXe siècle.
La proposition scénique de Paul-Émile Fourny maintient l’action sur la côte Est des États-Unis mais la déplace temporellement à une époque qu’on peut imaginer entre prohibition et immédiat après-guerre. Dans cette atmosphère entre film noir et roman à la Dashiell Hammet, la société sur laquelle règne Riccardo a tout d’un cercle mafieux, avec ses rites et ses usages. Sans faire oublier la modestie assez statique des décors de Benoît Dugardyn, la direction d’acteurs est d’une efficacité de bon aloi qui jamais ne vient rompre l’impression générale.
On n’échappe pas aux clichés avec cette Ulrica davantage tenancière de maison close que diseuse de bonne aventure, ou bien ces comploteurs en chapeaux mous et chaussures vernies. L’humiliation d’Amelia est assez bien rendue, de même que le basculement de Renato, deux scènes qu’on croirait extraites d’un film de Howard Hawks.
Après sa très courte et triomphale prestation en Macduff au Théâtre des Champs-Élysées le mois dernier, Jean-François Borras trouve en Riccardo un rôle à la mesure de ses moyens. Un rien abandonné par une scénographie qui s’attarde sur la mise en valeur d’un climat général, le jeune ténor se saisit du rôle avec un naturel confondant et une ligne vocale très claire et très souple. Les aigus jaillissent avec une aisance spontanée, le vibrato ne cherchant jamais à surligner une projection très naturelle.
À ses côtés, l’Amelia de Francesca Tiburzi ne joue pas avec une couleur qui s’accorderait au mieux avec son partenaire. Les moyens sont somptueux mais au final, le duo résulte d’une addition d’individualités plus que d’une réelle symbiose. Ne boudons pas notre plaisir : la ligne sombre et très contrastée de la soprano bergamasque rend à merveille les dilemmes qui déchirent ce personnage. Des lauriers également pour le Renato très engagé de Michele Govi et surtout le babil affûté de Clara Meloni en Oscar. Jordanka Milkova maîtrise chez Ulrica l’écueil d’un vibrato qui a tendance à s’élargir tandis que Carlos Esquivel (Samuel) et Daniel Mauerhofer (Tom) composent une appréciable paire de conspirateurs.
L'Orchestre national de Lorraine fait oublier la redoutable sécheresse de l’acoustique de l’Opéra-Théâtre de Metz, avec à sa tête un Roberto Brizzi Brignoli assez inspiré, mais peu précis dans la conduite des ensembles et des chœurs. Ancienne doublure de Riccardo Muti à la Scala, le chef italien ne s’embarrasse pas de précautions pour tenir la bride haute aux musiciens et tenter d’embraser l’action dès que l’occasion se présente.
| | |
| | |
|