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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert du London Symphony Orchestra sous la direction de Bernard Haitink, avec la participation de la violoniste Alina Ibragimova Ă la Philharmonie de Paris.
Géant mahlérien
À la Philharmonie de Paris, le Troisième Concerto pour violon de Mozart permettait une bonne mise en bouche avant la Titan, donnée par le LSO et Bernard Haitink, l’un des plus grands chefs mahlériens vivants, capable après des dizaines d’interprétations et sans rechercher la nouveauté de nous la faire découvrir encore.
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Bernard Haitink a toujours dirigé un Mozart classique, sans recherche de ruptures ni de brusques changements de rythmes, tout en légèreté, ne serait-ce que par le choix d’un effectif réduit d’à peine quarante musiciens. Son interprétation du Concerto pour violon n° 3 en sol majeur KV 216 ne déroge pas à la règle.
La douceur et la pâte lyrique s’y font sentir dès les premiers accords, donnant une unité à l’œuvre entière, au risque de ne pas rendre passionnant le troisième mouvement, trop peu enlevé. Alors que le mouvement lent est souvent le plus difficile chez le compositeur autrichien, c’est ici le moment qui intéresse le plus par sa souplesse et son aisance.
La jeune violoniste russe Alina Ibragimova tient son superbe Pietro Guarneri 1738 avec une technique évidente mais surprenante dans la gestion des fins de mesures et perd parfois en dextérité lors des parties plus rapides, notamment dans la coda. Son bis, la Gavotte de la Partita n° 3 BWV 1006 de Bach, semble encore trop scolaire pour se mesurer aux plus grands, mais trouve un éclair de génie à quelques secondes de la fin.
En seconde partie, la Première Symphonie de Mahler trouve chez le chef néerlandais l’un de ses meilleurs interprètes. Le Langsam, Schleppend, Wie ein Naturlaut initial, dirigé de manière très classique, fait ressortir chaque son et chaque bruit de la nature, surtout ceux des oiseaux sortant de la petite harmonie. Trop doux, le deuxième mouvement, Kräftig bewegt, manque d’énergie et de dynamique et surprend par sa lenteur, au risque de rendre illisible ce rustique Ländler, sauf à l’insérer dans la conception globale du chef.
Débute alors le magnifique solo de contrebasse sur l’air de Bruder Martin (Frère Jacques en français) du troisième mouvement, Feierlich und gemessen, fidèlement solennel et mesuré, tandis que déjà la seconde partie, débutant sur le thème du dernier des Lieder eines fahrenden Gesellen, impressionne nettement plus par tant de lyrisme malgré tant de simplicité.
Pourtant, la rupture entre concert de grande classe et interprétation exceptionnelle ne survient définitivement qu’au dernier mouvement, Stürmisch, bewegt, non pas à cause de l’explosion de rage du début, résultante d’une déception amoureuse du compositeur et ici magnifiquement effectuée par l’orchestre londonien et ses superbes cuivres, mais pour ce qui suit.
La seconde moitié, que les chefs russes réussissent souvent en amenant les bois et les cordes vers Tchaïkovski, montre sous la baguette de Bernard Haitink toute la capacité créatrice déjà acquise par Mahler. Le lyrisme et la mise en valeur des altos et des violoncelles permettent déjà d’entendre les grands adagios de la Troisième, de la Quatrième Symphonie ou encore l’Adagietto de la Cinquième, comme jamais aucun enregistrement ni aucune interprétation à notre connaissance ne l’avait permis jusqu’ici.
Tout aussi puissant, la facilité avec laquelle on réentend le thème initial de l’œuvre, choisi par Mahler dans sa première révision en 1893, crée une boucle et donne presque une forme sonate à la symphonie, pour nous ramener aux équivoques originelles. Les cors levés pour nous transporter vers la coda n’y changeront rien : un très grand moment vient d’être vécu.
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Philharmonie, Paris Le 16/06/2015 Vincent GUILLEMIN |
| Concert du London Symphony Orchestra sous la direction de Bernard Haitink, avec la participation de la violoniste Alina Ibragimova Ă la Philharmonie de Paris. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour violon n° 3 en sol majeur KV. 216
Alina Ibragimova, violon
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n °1 en ré majeur « Titan »
London Symphony Orchestra
direction : Bernard Haitink | |
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