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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Concert du Boston Symphony Orchestra sous la direction d’Andris Nelsons, avec la participation du violoncelliste Yo-Yo Ma à la Philharmonie de Paris.
Chostakovitch sans Staline
Entendu pour la dernière fois à Paris en 2007, le Boston Symphony Orchestra s’arrêtait dans la capitale française pour un unique concert dirigé par son directeur musical Andris Nelsons, proposant l’œuvre symphonique d’après Cervantès de Richard Strauss, et une Dixième Symphonie de Chostakovitch déjà entendu par le même chef dans la même salle six mois plus tôt.
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Alors qu’il y a huit ans apparaissaient pour la dernière fois en France le Boston Symphony Orchestra et James Levine pour une Damnation de Faust mémorable à la salle Pleyel, l’ensemble réapparaît en cette rentrée dans le cadre d’une tournée européenne avec son nouveau directeur musical, celui-ci profitant d’une année de répit à Bayreuth, puisque Lohengrin y a été récupéré par Alain Altinoglu, et Parsifal ne débutera que l’été prochain.
Si Andris Nelsons n’est pas rare à Paris, entre les concerts avec son Orchestre de Birmingham et ceux en tant que chef invité, c’est la première fois que nous pouvons admirer la complicité entre le chef et la formation américaine, qui vient de prolonger son contrat jusqu’en 2022. Pour l’occasion, il n’a pas choisi la Symphonie n° 6 de Gustav Mahler comme dans d’autres villes (Salzbourg la semaine dernière), mais le second programme, au risque de se trouver en comparaison directe avec lui-même dans une Dixième de Chostakovitch déjà entendue à la Philharmonie en mars, lors d’une tournée avec le Concertgebouw Orchestra.
D’abord, c’est un autre de ses compositeurs fétiches qu’il dirige, par l’intermédiaire du poème symphonique Don Quichotte, ou plus exactement des Variations fantastiques sur un thème chevaleresque op. 35, pour violoncelle, alto et orchestre. L’introduction permet de découvrir un son unique, mélange de timbres américains, par ces cuivres rappelant le Richard Strauss des enregistrements de Fritz Reiner avec Chicago, ou par cette perfection des percussions, mais aussi à l’inverse des cordes beaucoup moins claires et extérieures que d’autres formations d’outre-Atlantique.
S’il a manqué à cette interprétation certaines aspérités et une difficulté à passionner à tous les instants, sans réussir à traiter avec autant de brio chaque épisode, ni démarquer chaque variation, il s’y dégage tout de même de grands moments, comme le combat avec les moutons, où Nelsons compose avec la surbrillance des trompettes pour en faire un passage proche de Varèse, loin de chercher à nous faire reconnaître l’animal laineux. La procession des pénitents est tout aussi intéressante, quand on pourra regretter le manque de résistance des moulins à vent ou de souffle de la chevauchée dans les airs.
Dès son attaque du thème de Don Quichotte, la raucité du violoncelle de Yo-Yo Ma vient affirmer une réelle personnalité au milieu de l’ensemble, et trouve un fantastique partenaire dans le premier alto de l’orchestre, Steven Ansell, dans le rôle de l’écuyer Sancho Pança. L’intériorité des épanchements à Dulcinée et surtout les derniers instants de la mort de Don Quichotte achèvent de nous convaincre quant à la prestation du violoncelliste américain et de son harmonie avec l’altiste.
Alors que nous évoquions une « leçon d’orchestre » le 10 mars dernier concernant la Dixième Symphonie de Chostakovitch, un côté professoral se fait encore plus entendre ce soir avec Boston, et dénote par rapport à l’enregistrement qui vient de sortir chez Deutsche Grammophon, beaucoup plus tendu. Jamais le Moderato initial ne parvient à exalter une atmosphère nerveuse, ni l’Allegro en deuxième position à faire ressortir l’ombre de Staline, malgré une construction rythmique et dynamique irréprochable.
Reste alors le plaisir d’écouter chaque instrument de ce magnifique orchestre, et à déguster chaque solo de la flûte piccolo, chaque intervention groupée des cors ; et au début de l’Andante, successivement la clarinette, le hautbois et le basson, magnifiques mais à aucun moment émouvants, à l’inverse de la vision traumatisante de Daniele Gatti à Salzbourg en avril. On ne pourra bouder la qualité de cette soirée, surtout après un bis burlesque et survolté, mais on regrette que de tels artistes n’aient réussi à nous amener encore plus loin, bien qu’après trois semaines de tournée, il est possible qu’ils aient masqué un épuisement physique ou mental face à ce programme donné à plusieurs reprises.
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Philharmonie, Paris Le 03/09/2015 Vincent GUILLEMIN |
| Concert du Boston Symphony Orchestra sous la direction d’Andris Nelsons, avec la participation du violoncelliste Yo-Yo Ma à la Philharmonie de Paris. | Richard Strauss (1864-1949)
Don Quichotte, fantastische Variationen ĂĽber ein Thema ritterlichen Charakters op.35
Yo-Yo Ma, violoncelle
Steven Ansell, alto
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n° 10 en mi mineur op. 93
Boston Symphony Orchestra
direction : Andris Nelsons | |
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