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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Concert d’ouverture du festival de Besançon 2015 avec la Chambre Philharmonique sous la direction d’Emmanuel Krivine.
Besançon 2015 :
À un train d’enfer
Après le désormais incontournable concert gratuit en extérieur, sur les bords du Doubs, le coup d’envoi du 68e festival de Besançon convoquait les instruments d’époque de la Chambre Philharmonique et leur chef Emmanuel Krivine pour des lectures survoltées de Mendelssohn, Bizet et Brahms, menées d’un bout à l’autre à une cadence infernale.
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Complicité artistique
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Hommage au réalisme poétique
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Technicien d’orchestre comme il en est peu sous nos latitudes, directeur musical marquant de l’Orchestre national de Lyon entre 1987 et 2000, patron depuis 2006 de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg, l’infatigable Emmanuel Krivine avait besoin d’un défi de plus lorsqu’il a fondé il y a onze ans la Chambre philharmonique, formation sur instruments d’époque spécialisée dans le XIXe siècle symphonique.
Si les phalanges de ce type sont souvent conduites par des autodidactes de la direction, l’orchestre à l’ancienne de l’Isère bénéficie d’un authentique maestro de formation, dont la carrière internationale a précédé cette spécialisation tardive dans la pratique historiquement informée.
Grand amateur de lectures vives, dégraissées, Krivine, à l’approche de ses soixante-dix ans, semble plus que jamais obsédé par une pulsation frénétique, perceptible d’emblée dans le thème principal d’une ouverture de la Belle Mélusine de Mendelssohn tourbillonnante, comme habitée par la danse de Saint-Guy, précédant un second thème aux allures d’inépuisable saltarello, façon Finale de la Symphonie italienne, peignant un chevalier de Lusignan à la libido pour le moins conquérante.
Aucun répit, ni pause (rythmique) ni pose (narcissique) dans ces coups de poignet fouettant les premiers temps avec une hargne assez déroutante pour cette ouverture lumineuse, d’ordinaire moins encline à en découdre. Même sentiment dans une Symphonie en ut de Bizet attaquée bille en tête, rapide à en affaiblir la carrure, malgré une énergie à faire pâlir tant de formations symphoniques traditionnelles.
De l’orientalisme façon Pêcheurs de perles du mouvement lent, ce soir pas lent du tout, bien au-delà même de l’indication Adagio, où un hautbois de rêve, à l’ancienne, si délicieusement timbré, opère des miracles d’évocation, Krivine ne fait qu’une bouchée, cadrant chaque pizz, chaque rythme afin que l’orchestre ne ralentisse à aucun moment. Rien toutefois en comparaison du tempo délirant du Finale, aux extrêmes limites de l’exécutable chez des cordes mouillant le maillot sans relâche.
À l’entracte, on commence à se demander si ce traitement de choc, si éloigné de la recherche de couleur, de climat particulier que permet le recours aux instruments anciens, ne risque pas de se heurter à la délicate Troisième Symphonie de Brahms. Craintes fondées devant un premier mouvement méconnaissable, piaffant d’impatience, raide, expédié à deux temps rapides, accords initiaux des vents plus écourtés encore, les cordes à peine capables de jouer les notes, un seul accord véritablement posé, le tout dernier, à l’issue d’une épuisante course poursuite.
Fort heureusement, le bouillant chef français laisse enfin respirer la musique à partir de l’Andante, sans précipitation caricaturale, donnant aux vents solistes, jamais complaisants, le temps de phraser le nécessaire, et aux cordes de bâtir des phrases expressives, avec quelques micro-suspensions bienvenues.
Des respirations tolérées aussi dans le Poco allegretto, où s’épanouit le cor solo magnifique de simplicité du jeune Guillaume Tétu, étonnant de stabilité avec l’instrument sans palettes, et où la finesse de violoncelles au vibrato parcimonieux délivre d’intéressants points de tension harmonique, avant un Finale d’une vraie ardeur romantique, d’un engagement de chaque instant, mais aussi d’une conclusion relativement apaisée au vu de ce contexte électrique.
Une coda piano qui, selon le bon mot d’Emmanuel Krivine au public juste avant de bisser le Poco allegretto, explique la relative rareté de la Troisième Symphonie de Brahms au concert, pas assez brillante pour les chefs friands d’applaudissements. Bon point pour ce maestro hors pair dont l’art terrien s’enrichirait immensément s’il acceptait de laisser une place même minime à la tendresse, à la douceur dans les pièces qu’il dirige avec une technique à toute épreuve.
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Kursaal, Besançon Le 12/09/2015 Yannick MILLON |
| Concert d’ouverture du festival de Besançon 2015 avec la Chambre Philharmonique sous la direction d’Emmanuel Krivine. | Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Die schöne Melusine, ouverture
Georges Bizet (1838-1875)
Symphonie en ut majeur
Johannes Brahms (1833-1896)
Symphonie n° 3 en fa majeur op. 90
La Chambre philharmonique
direction : Emmanuel Krivine | |
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