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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Guillaume Tell de Rossini dans une mise en scène de David Pountney et sous la direction de au Grand Théâtre de Genève.
Mal ciblé
Déception pour cette nouvelle production de Guillaume Tell au Grand Théâtre de Genève. On espérait beaucoup de ce spectacle mais David Pountney habille son Rossini d'un style pompier et peu subtil. C'est d'autant plus dommage que le plateau alterne belles surprises et confirmations, au-dessus d'une direction sans fulgurances.
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Guillaume Tell est de tous les opéras de Rossini, l'ouvrage le plus emblématique. Le contexte historique dans lequel il se situe est marqué par les débuts controversés du romantisme. Les mânes d'Egmont et des Brigands sont passées par là , tandis que le Freischütz débarque dans sa version française et souffle sur les braises de cette révolution du drame romantique, allumée en 1830 par la première d'Hernani.
Point ici de gilet rouge à la Théophile Gautier, mais un ouvrage dont on se plait à souligner le nationalisme bon enfant, tout en regrettant le plus souvent sa longueur généreuse (plus de quatre heures). Si cette production genevoise ne déroge pas à la tradition des coupures, les ciseaux ont taillé dans le vif et il ne reste de la pièce de Schiller qu'un échafaudage narratif réduit à l'essentiel.
Le livret français signé Étienne de Jouy et ses acolytes ne brille pas par sa valeur littéraire ; était-ce une raison pour offrir au public une mise en scène aussi excessive, comme pour rehausser la saveur d'un opéra qui n'en demandait pas tant ? De mauvais esprits pourraient penser que rater un Guillaume Tell à Genève pourrait avoir des conséquences plus néfastes que de viser une pomme et manquer sa cible. C'est pourtant ce qui arrive à David Pountney, qui n'a à offrir à ce premier grand format de l'histoire de la musique qu'un banal assemblage de poncifs dessinés à gros traits.
Tout commence avec l'apparition sur scène d'un violoncelliste en tenue traditionnelle d'armailli durant l'ouverture. Chaussettes montantes, bretelles, chapeau à plume, rien ne manque au tableau. Il s'interrompt durant son solo et jette des regards craintifs. Bien lui en prend car débarque une escouade d'Autrichiens en cuirasse militaire et casques géants en forme de têtes de loups. L'imprudent est enlevé, tandis que son instrument brisé gît symboliquement au centre de la scène. Le ton est donné.
Plombée par un manichéisme associant la couleur des costumes d'Evolène et des bredzons pour les gentils helvètes et l'acier anthracite pour les méchants autrichiens, la mise en scène fait dévier le drame de Schiller vers un premier degré de bon aloi. On fermera pudiquement les yeux sur les chorégraphies d'Amir Hosseinpour, dont les agitations peinent à convaincre vraiment. Forcés de marcher au pas de l'oie et de courber l'échine devant leurs maîtres, les troupes de Guillaume Tell célèbrent en secret leur bon Melchthal, qu'une piètre inspiration présente sous la forme d'une énorme tête en bois sculpté façon moai de l'île de Pâques.
À la ruralité saine et triomphante s'oppose les armures et les fausses barbes façon méchants de bande dessinée. L'abject Gessler croque des pommes sur une chaise roulante empruntée au Docteur Folamour de Kubrick. Sa vilenie ne s'embarrasse pas d'arrière plans conceptuels, tant il respire la vulgarité avec son crâne rasé et ses balafres sanglantes. Le flirt d'Arnold avec son autrichienne de Mathilde tombe bien mal… Renégate aux yeux de Tell et ses frères d'armes, elle doit multiplier les preuves de bonne foi pour les convaincre de sa loyauté.
Le plateau présente de belles individualités, à commencer par le brillant John Osborn en Arnold. Son Asile héréditaire tire des larmes et marque durablement les esprits. À l'aisance et la fluidité de ses aigus répond de belle manière la Mathilde de Nadine Koutcher. Dans Sombre forêt, désert triste et sauvage, elle fait oublier une surface vocale limitée par un art consommé des nuances et des couleurs. La suite lui est moins favorable, des signes de fatigue apparaissant çà et là dans les deux derniers actes.
Jean-François Lapointe est un Guillaume Tell de haute stature, malgré une assise peu consistante dans le registre grave mais une façon de libérer la ligne dès que l'expression se densifie. Doris Lamprecht livre une Hedwige sensible et vibrante, tandis que les aigus trop verts d'Amelia Scicolone (Jemmy) peinent à convaincre. La bonhomie d'Alexander Milev (Melchthal) contraste avec l'acidité d'Erlend Tvinnereim en Rodolphe, tandis que Franco Pomponi truque son Gessler avec des effets peu subtils.
Le Rossini de Jesús López-Cobos est raffiné dans l'échelonnage des plans et des couleurs. On pourra lui reprocher un déficit d'accentuation et de contrastes rythmiques. Les cuivres de l'Orchestre de la Suisse Romande n'ont pas la brillance et la précision de leurs collègues de la petite harmonie. Le feu rossinien manque dans les moments de tension, fort heureusement relayé par un Chœur du Grand Théâtre en grande forme.
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Grand Théâtre, Genève Le 15/09/2015 David VERDIER |
| Nouvelle production de Guillaume Tell de Rossini dans une mise en scène de David Pountney et sous la direction de au Grand Théâtre de Genève. | Giacchino Rossini (1792-1868)
Guillaume Tell, opéra en quatre actes (1829)
Livret de Victor Joseph Étienne de Jouy et Hippolyte Louis Florent Bis d’après la pièce de Schiller
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse Romande
direction : JesĂşs LĂłpez-Cobos
mise en scène : David Pountney
décors : Raimund Bauer
costumes : Marie-Jeanne Lecca
chorégraphie : Amir Hosseinpour
Ă©clairages : Fabrice Kebour
préparation des chœurs : Alan Woodbridge
Avec :
Nadine Koutcher (Mathilde), Amelia Scicolone (Jemmy), Doris Lamprecht (Hedwige), John Osborn (Arnold), Erlend Tvinnereim (Rodolphe), Jean-François Lapointe (Guillaume Tell), Alexander Milev (Walter Furst, Melcthal), Franco Pomponi (Gessler), Michel de Souza (Leuthold), Peter Baekeun Cho (un chasseur). | |
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