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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Version de concert d’Orphée et Eurydice de Gluck sous la direction de John Eliot Gardiner à l’Opéra royal de Versailles.
Orphée dans les étoiles
Gardiner revient à Orphée et Eurydice, plus de quinze ans après son inoubliable version Berlioz au Châtelet. De retour de Londres où il donna l'œuvre sur la scène de Covent Garden, il livre dans le cadre idéal de l'Opéra royal de Versailles une interprétation à couper le souffle, avec un plateau d'exception et des forces instrumentales hors du commun.
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Entre l'Orfeo fondateur de Monteverdi et le pétulant Orphée aux Enfers d'Offenbach, la version de Christoph Willibald Gluck profite d'un livret très court et concentré qui révèle l'essence du mythe antique. En éliminant les récitatifs secco, Gluck crée une véritable révolution. Pour la première fois dans l'Histoire, un texte épouse la musique comme une seconde peau dans une sorte de chant continu. Fantastique cinéma baroque en trois dimensions, la musique multiplie à l'envi effets spéciaux et fusées pyrotechniques.
John Eliot Gardiner avait signé dans la mise en scène de Bob Wilson un mémorable Alceste et Orphée et Eurydice en 1999 au Théâtre du Châtelet. Privilégiant la version Berlioz de 1859, le chef anglais avait confié le rôle d'Orphée à la mezzo Magdalena Kožená. Revenant à la version parisienne d'Orphée et Eurydice, il vient de diriger une série de représentations à Covent Garden dans la mise en scène de Hofesh Shechter et John Fulljames. Dans cette seconde version composée en 1774 sur un livret en français de Pierre-Louis Moline, Gluck avait pensé satisfaire au goût des commanditaires en changeant la voix de castrat par une voix de ténor.
Après Juan Diego Flórez à Londres, c'est au tour du jeune Michele Angelini de faire ses armes dans cette version, éminemment plus exposée et virtuose que l'originale en italien. À l'air de bravoure ajouté au célèbre J'ai perdu mon Eurydice, il faut affronter les très périlleux aigus négociés en voix de tête dans L'espoir renaît dans mon âme.
Gardiner fouette les cordes de ses English Baroque Soloists avec une fougue sans pareille, occasionnant chez son soliste quelques tensions audibles dans tout le premier acte. Maigres réserves en comparaison de la vitalité extraordinaire qui se dégage de cette direction. On a beau être dans une version de concert, les effets scéniques sont bel et bien présents, comme cette très spectaculaire pluie de feu et de notes qui s'abat sur le public dans la scène des Enfers.
La raucité éclatante des trois trombones qui soulignent les Non ! des furies infernales face aux plaintes d'Orphée, est littéralement renversante. Le toujours excellent Monteverdi Choir mord comme dans un fruit mûr dans les syllabes de l'effrayant Quel est l'audacieux qui dans ces sombres lieux ? Quand le ciel s'apaise enfin et que s'éloignent les sombres bords du Cocyte, le ballet des Ombres heureuses est l'occasion pour l'orchestre de faire entendre tout un monde de nuances et d'arrière-plans, avec une qualité et un ciselé hors du commun.
Les retrouvailles des amants montrent une Lucy Crowe tout de justesse d'intonation et de phrasé dans le rôle d'Eurydice. Moins actrice que sa piquante consœur Amanda Forshyte en Amour, son vibrato très contenu témoigne d'un abord prudent et d'une diction sur le fil du rasoir (Cet asile aimable et tranquille). Elle sait faire du moment où le regard d'Orphée la condamne à une seconde mort un instant bouleversant de simplicité.
Le ballet final a beau traîner en longueur, il offre une démonstration magistrale d'une battue aérienne et un art des couleurs qui sait faire oublier les reprises. John Eliot Gardiner sera de retour à Versailles au mois de novembre, une première fois avec les Vespro della beata Vergine à la Chapelle Royale puis un très prometteur Orfeo de Monteverdi dans le magnifique écrin de la Galerie des glaces. Un seul conseil : courez !
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Opéra Royal, Versailles Le 08/10/2015 David VERDIER |
| Version de concert d’Orphée et Eurydice de Gluck sous la direction de John Eliot Gardiner à l’Opéra royal de Versailles. | Christoph Willibald Gluck (1714-1788)
Orphée et Eurydice, drame héroïque en trois actes (1774)
Version parisienne en français sur un livret de Pierre-Louis Moline d'après Calzabigi
Michele Angelini (Orphée)
Lucy Crowe (Eurydice)
Amanda Forshyte (Amour)
Monteverdi Choir
English Baroque Soloists
direction : John Eliot Gardiner | |
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