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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Theodora de Haendel dans une mise en scène de Stephen Langridge et sous la direction de William Christie au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Le martyre et la froideur
Première sur une scène parisienne de Théodora, oratorio en trois actes de Haendel. William Christie retrouve au TCE ses chers orchestre et chœurs des Arts Florissants. La mise en scène très lisse de Stephen Langridge n'ose pas une modernité volontiers polémique. Le plateau relève en partie les défis d'une partition emblématique de la maturité du compositeur.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 10/10/2015
David VERDIER
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Pour sa première apparition sur une scène parisienne, Theodora de Haendel trouve en William Christie un interprète de premier plan. La célèbre (et controversée) production donnée à Glyndebourne en 1996 dans la mise en scène de Peter Sellars avait déjà fixé à un bon niveau les standards d'interprétation pour un ouvrage singulièrement en manque de reconnaissance. Dans une certaine mesure, la forme oratorio achève d'amidonner les velléités du très pontifiant livret de Thomas Morell. L'œuvre offre en définitive peu d'espace à la virtuosité spectaculaire, au point qu'aucun rôle n'émerge d'une généralité indistinctement bien chantante.
L'action tient en quelques lignes, bien loin de l'entrelacs des rinceaux narratifs et des habituels retournements de situation : il s'agit de l'histoire de Theodora, vierge et martyre chrétienne, aimée par l'officier romain Didyme fraîchement converti à la nouvelle religion. En guise de noces, tous deux partageront un martyre consenti et édifiant. La symbolique bien-pensante étouffe en maints endroits une scénographie de Stephen Langridge réduite à des déplacements au ralenti et la volonté d'étoffer par l'image les longueurs (et les langueurs) de la partition.
L'espace scénique très épuré est traversé par des murs-cloisons qui coulissent latéralement en révélant les fragments d'une action se déroulant en temps réel. Les savants et complexes éclairages de Fabrice Kebour donnent un relief intéressant à un dispositif qui menace sans cela de sombrer dans l'ennui. Le manichéisme des caractères est souligné par les costumes d'Alison Chitty, tenues de soirée et uniformes anti-émeutes pour les méchants idolâtres, casual wear pour les gentils Chrétiens. Les photos des victimes exécutées à l'arrière-scène sont affichées au fur et à mesure sur le mur où les Chrétiens leur rendent hommage. On repère çà et là certaines figures célèbres d'opposants politiques exécutés par des pouvoirs dictatoriaux.
À aucun moment, ces options ne contraignent à rechercher intellectuellement les arrière-plans symboliques et psychologiques du drame. Sur ce point, la proposition de Peter Sellars présentait des ambitions supérieures avec moins de moyens techniques. Seule l'idée d'un chœur des Arts Florissants alternativement romain et chrétien saura inspirer une vision plus complexe de l'action en train de se dérouler. Par leur unicité et leur multiplicité, ces voix singulières sont la pièce maîtresse et le personnage principal de cette œuvre.
Le rôle de Théodora est tenu de belle manière par la soprano Katherine Watson, notamment par la tenue et le travail de la ligne (Oh thou bright sun). Sans forcer son talent, le Didyme de Philippe Jaroussky transforme les points d'orgues en longues méditations. Un rien trop en deçà dans le registre grave, le duo des amants à la fin du II est sans aucun doute le sommet de la soirée. Stéphanie d’Oustrac n'est visiblement pas au mieux de sa forme, comme en attestent ces curieux décalages dans As with rosy steps et cette étonnante tendance à durcir l'émission dans les moments d'affliction. Le Septime de Kresimir Spicer est toujours étonnant, tant par l'engagement que par le volume déployé. La basse Callum Thorpe, quant à elle, triomphe dans le rôle ingrat de Valens. La voix est magnifiquement projetée, le timbre puissant et ténébreux.
William Christie officie dans la fosse en maître des lieux et arbitre des élégances. Les cordes assez mates sont sublimées par une petite harmonie sans cesse aux aguets. Le chef cisèle d'un geste large des accents langoureux à la beauté impassible.
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