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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production des Troyens de Berlioz dans une mise en scène de Michael Thalheimer et sous la direction de Kent Nagano à l’Opéra de Hambourg.
Des Troyens wagnériens
Adaptés par Pascal Dusapin et magnifiquement conduits par le nouveau directeur musical Kent Nagano, les Troyens de la Hamburgische Staatsoper échappent à l’influence du Grand-Opéra de Meyerbeer pour se rapprocher du romantisme de Wagner. Une distribution solide et une mise en scène resserrée sur les acteurs donnent justesse et onirisme à l’ouvrage.
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N’en déplaise aux gardiens du Temple, mieux vaut jouer les Troyens coupés que pas du tout. Difficile, donc, de critiquer les coupures et aménagements de Pascal Dusapin lorsqu’il ramène l’ouvrage de quatre heures un peu plus près de trois, surtout si l’on rappelle que la première intégrale à Paris ne date que de 2003, au Théâtre du Chatelet, sous la direction de John Eliot Gardiner.
L’œuvre retravaillée ainsi gagne en concision, bien qu’on puisse trouver dommageable de réduire à si peu certains rôles, tel le Fantôme d’Hector, ou certains airs de plus de moitié. Pour autant, tous les ballets ne sont pas supprimés, et l’idée de jouer intégralement la Chasse Royale et Orage au IV et de lui accoler la Marche des esclaves fonctionne parfaitement, tout comme celle d’y faire couler sans discontinuer pendant plus de cinq minutes une véritable pluie sur scène et d’en déchaîner les éléments naturels pour laver les horreurs de la guerre.
Peu connu en France mais considéré comme l’un des metteurs en scènes les plus importants d’Allemagne, Michael Thalheimer confine l’œuvre dans un cadre unique et utilise le sang comme substance principale. Ainsi le plateau est-il délimité à droite et à gauche par deux panneaux de bois clair monumentaux, et à l’arrière-scène un panneau à bascule. Le décor d’Olaf Altmann, dont la signification poétique ramène à la claustration, celles des Grecs dans leur cheval, celle des Troyens d’abord puis des Carthaginois ensuite dans leurs murs, ne permet aucun salut, à l’instar des hectolitres de matière rouge déversés ou de la robe blanche bafouée d’une Cassandre plus folle que pythie.
Une direction d’acteurs au cordeau (Heiko Hentschel) magnifie les rôles et la dramaturgie (Johannes Blum) et laisse ressortir de grands moments, surtout de la prestation d’Elena Zhidkova. La scène des Apparitions du V est également un magnifique instant, où Enée entouré d’ombres des quatre coins du plateau commence à douter, doute qui le hantera jusqu’au bout, même lorsqu’il s’enfuira dans l’inéluctable rai blanc lumineux (lumière de Norman Plathe).
Le chœur déçoit par sa prononciation du français totalement inaudible, alors qu’il convainc dans la couleur et la mise en place. Le même reproche d’inintelligibilité de la langue de Berlioz entache de nombreux rôles, dont celui pourtant superbe de justesse émotionnelle de Cassandre, porté par Catherine Naglestad. Déjà entendu à Berlin dans la production de David Pountney, Torsten Kerl devient plus distinct en seconde partie où il vient facilement à bout des ses airs, rappelant au passage l’écriture pour Heldentenor du héros.
Petri Lindroos (Narbal) manque de projection malgré une couleur intéressante et des graves chaleureux ; Katja Pieweck (Anna) tient la longueur et répond avec clarté et précision à la Didon impeccable d’Elena Zhidkova, pièce maîtresse de cette production. Le reste de la distribution montre les grandes qualités de la troupe de la deuxième plus grande ville d’Allemagne, avec une mention pour le Panthée d’Alin Anca, l’Ascagne angélique de Christina Gansch et le Chorèbe princier de Kartal Karagedik.
Loin de considérer la partition comme caricaturale, Kent Nagano lui oppose une musique sensuelle, au romantisme wagnérien. Les sonorités approchent parfois Marschner, Weber, ou plus souvent Tannhäuser, dont on sait grâce à une lettre écrite en 1855 à Liszt que Berlioz a entendu au moins l’ouverture. L’absence de rupture et le lyrisme déployé aux cordes, en plus d’un refus permanent du spectaculaire, permettent d’entendre autrement de nombreux thèmes. On ne peut que regretter des trompettes en retrait et des percussions parfois brouillonnes au fond de la fosse, l’essentiel des pupitres du Philharmonisches Staatsorchester étant de très haut niveau.
Parti quelque peu précipitamment de Munich où lui a succédé Kirill Petrenko, Nagano saura parfaitement succéder à Simone Young à Hambourg et promet déjà de passionnantes soirées.
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Staatsoper, Hamburg Le 09/10/2015 Vincent GUILLEMIN |
| Nouvelle production des Troyens de Berlioz dans une mise en scène de Michael Thalheimer et sous la direction de Kent Nagano à l’Opéra de Hambourg. | Hector Berlioz (1803-1869)
Les Troyens, opéra en cinq actes
Livret du compositeur
Chor der Staatsoper Hamburg
Philharmonisches Staatsorchester Hamburg
direction : Kent Nagano
mise en scène : Michael Thalheimer
décors : Olaf Altmann
costumes : Michaela Barth
lumières : Norman Plathe
dramaturgie : Johannes Blum
direction d’acteurs : Heiko Hentschel
préparation des chœurs : Eberhard Friedrich
Avec : Torsten Kerl (Enée), Catherine Naglestad (Cassandre), Elena Zhidkova (Didon), Kartal Karagedik (Chorèbe), Alin Anca (Panthée), Petri Lindroos (Narbal), Markus Nykänen (Iopas), Christina Gansch (Ascagne), Katja Pieweck (Anna), Nicola Amodio (Hylas), Stanislav Sergeev (Priam), Bruno Vargas (Fantôme d’Hector). | |
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