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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de La Khovantchina de Moussorgsky dans une mise en scène de Vasily Barkhatov et sous la direction de Kirill Karabits au Theater de Bâle.
Moussorgski sans mystère
Déception pour cette nouvelle production de la Khovantchina à Bâle. Vasily Barkhatov esquive les thèmes de l’ouvrage et raconte confusément une autre histoire tandis que Kirill Karabits dirige sans finesse ni mystère. L’absence d’émotion qui en résulte est un comble. Quelques chanteurs arrivent à tirer leur épingle du jeu tout comme de très bons chœurs et orchestre maison.
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Vu le sujet de la Khovantchina, la tentation est grande de transposer l’ouvrage dans notre époque et peu de productions y renoncent, d’autant que cela peut fonctionner si l’on respecte les motivations profondes des différents personnages, ce qui n’est hélas pas le cas de cette nouvelle production du Theater Basel qui simplifie le propos au point de le rendre confus. La masse chorale, si importante dans cet opéra, personnifiant le peuple, les streltsy (représentant le pouvoir militaire) ou encore les Vieux croyants, apparaît ici toujours sous les mêmes oripeaux, ce qui n’aide pas à comprendre qui elle symbolise.
Le metteur en scène invente donc en quelque sorte une nouvelle histoire, dans une gare et en des temps constamment belliqueux et ce au prix de multiples coupures (notamment la scène entre le scribe et le peuple au I ou des Danses persanes fort réduites) et de multiples aménagements qui créent incohérences sur incohérences, les plus improbables étant l’exil de Golitsyne sans Golitsyne ou, à la fin du IV, quand les streltsy, persuadés d’être condamnés par le pouvoir politique (mais finalement graciés par le Tsar Pierre) restent sur le plateau pour le V qui met en scène l’immolation des Vieux croyants cernés par les soldats de Pierre !
Le tiraillement entre Orient et Occident passe lui aussi à la trappe. Golitsyne, l’occidentaliste, joue les utilités (dans un grotesque décor de stand de tir) tandis que les Danses persanes n’ont rien d’orientales. Chalkovity, si touchant dans son indécision entre les traditions anciennes et le mirage occidental, navigue quant à lui dans chaque groupe sans que l’on comprenne vraiment ses agissements. Mais le plus agaçant dans cette vision brouillonne est que toute émotion est annihilée, les personnages devenant tous plus antipathiques les uns que les autres.
La faute en incombe également à Kirill Karabits qui dirige l’ouvrage d’une manière trop monochrome, avec des tempi souvent rapides et une absence cruelle de mystère (la fin du I, singulièrement manquée), autant d’éléments qui n’aident pas à compenser la froideur scénique. Mais il a le mérite d’avoir choisi l’orchestration de Chostakovitch tout en écartant sa scène finale, par trop soviétique, au profit de celle de Stravinski, qu’il embarrasse pourtant d’un geste trop emphatique cherchant trop le spectaculaire.
Le chœur est pourtant à louer pour sa puissance et son homogénéité, notamment les voix féminines. L’orchestre bâlois affiche également une très belle sonorité, avec un timbalier très engagé. De la distribution, assez homogène, n’émerge véritablement aucune voix si ce n’est par les décibels. Quelques chanteurs se laissent en effet aller à pousser la note pour donner un sentiment d’autorité. Loin d’être cadrées, les deux basses s’en donnent ainsi à cœur joie.
Vladimir Matorin, truculent mais sans classe, tire trop son Khovanski vers le Varlaam de Boris Godounov. Dmitri Ulyanov est davantage dans son personnage mais monolithique : seul le côté fanatique ressort, il n’est jamais touchant, y compris dans son monologue du V, certes transformé par le metteur en scène en un discours de tribun. Rolf Romei en Andreï a du mal à trouver ses marques vocales dans un rôle difficile, mais c’est peut-être lui qui arrive à émouvoir le plus dans la soirée avec une incarnation sensible. Dmitry Golovnin campe quant à lui un très beau Golitsyne, à la voix rayonnante et apportant enfin un peu de finesse tandis que le Chaklovity de Pavel Yankovsky s’en tire avec les honneurs.
Côté féminin, la Marfa de Jordanka Milkova est assez décevante. La voix est sourde et mate, comme recouverte d’un voile, peu puissante et jamais touchante. Plus convaincantes, l’Emma de Betsy Horne ou la très bonne Suzanna de Bryony Dwyer. Du côté des seconds rôles masculins, si l’on n’est guère emballé par le scribe de Karl-Heinz Brandt, on loue la prestance et la beauté de la voix de Nathan Haller en Kouzka.
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Theater, Basel Le 22/10/2015 Pierre-Emmanuel LEPHAY |
| Nouvelle production de La Khovantchina de Moussorgsky dans une mise en scène de Vasily Barkhatov et sous la direction de Kirill Karabits au Theater de Bâle. | Modest Moussorgsky (1839-1881)
La Khovantchina, opéra en cinq actes et six tableaux
Livret du compositeur
Version orchestrée par Dmitri Chostakovitch, scène finale d’Igor Stravinski
Chœurs et Orchestre du Théâtre de Bâle
direction : Kirill Karabits
mise en scène : Vladimir Barkhatov
décors : Zynovy Margolin
costumes : Olga Chaichmelachvili
vidéo : Yuri Yaruchnikov
Ă©clairages : Roland Edrich
préparation des chœurs : Henryk Polus
Avec :
Vladimir Matorin (Ivan Khovanski), Rolf Romei (AndreĂŻ Khovanski), Dmitry Golovnin (Golitsyne), Pavel Yankovsky (Chaklovity), Dmitry Ulyanov (DossifeĂŻ), Jordanka Milkova (Marfa), Karl-Heinz Brandt (le Scribe), Betsy Horne (Emma), Bryony Dwyer (Suzanna), Andrew Murphy (Varsonofiev), Nathan Haller (Kouszka), Vahan Markaryan (Strechnev, le serviteur de Golitsyne), Alessio Cacciamani et Vladimir Vassilev (deux Streltsy). | |
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