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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction d’Esa-Pekka Salonen, avec la participation des pianistes Katia et Marielle Labèque et des percussionnistes Camille Baslé et Eric Sammut à la Philharmonie de Paris.
BartĂłk sur les cimes
Sous la direction d’Esa-Pekka Salonen, un programme tout Bartók. L’Orchestre de Paris s’y révèle au sommet de son art dans un Concerto pour orchestre aux couleurs éclatantes après que Katia et Marielle Labèque, toujours aussi populaires, avaient participé au Concerto pour deux pianos, percussion et orchestre, moins souvent proposé que la sonate originelle.
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L’Orchestre de Paris au sommet dans un Concerto pour orchestre de Bartók fascinant sous la direction d’Esa-Pekka Salonen. Les contrebasses nous accueillent dans un climat grave et solennel. La flûte vient éclairer son mystère. Et le festival de timbres commence. Bassons, hautbois, clarinettes, harpes se singularisent et se rejoignent, complices de cordes homogènes et superbement différenciées, trompettes, trombones, tubas, percussion, chacun et chacune et chaque groupe d’instruments projette ses plus belles sonorités.
Les voix nous captivent. Échanges concis mais percutants, prises de rôle évidentes, nuances et éclats courent d’un pupitre à l’autre, imposent un spectre de couleurs prodigieux. L’expressivité change et se propage en rythmes d’une diversité hallucinante selon l’humeur des cinq mouvements de ce concerto si bien nommé pour orchestre.
Le premier impose sa tension en un crescendo-accelerando dramatique, rompu par le Jeu des couples du deuxième mouvement. Maîtres de leurs contrastes, la verve et les sarcasmes des instruments par paires tour à tour enjoués, sensuels, coquins, grotesques provoquent et ravissent. Clef de voûte des cinq mouvements, l’Élégie centrale sublime la morbidité. Violence et bruits diaprés angoissants, appels déchirants, sur quel spectacle funèbre va s’ouvrir cette porte du Château de Barbe-Bleue ?
Lamentation fouillée dans ses abîmes, d’où émerge une mélodie railleuse inspirée des folklores chers au compositeur hongrois. Une polka aux accents volontairement grossiers la couronne, magistralement primaire. Elle prépare à l’accélération du finale et sa course éperdue de sonorités inouïes. La virtuosité incandescente de l’Orchestre de Paris ne cesse de personnaliser les danses stylisées, les rythmes jubilatoires, la frénésie du tourbillonnement Presto où l’entraîne son élan. Salonen, lui aussi au sommet de son art, a magistralement soufflé le feu sur cette conquête des cimes de la partition.
En ouverture de ce concert, la Suite de danses n’avait pas irradié une telle évidence. Échos stylisés des folklores hongrois, roumain, slovaque et même arabe, les cinq danses conclues d’un finale traduisent en musique l’idéal de fraternisation entre les peules que prônait Bartók et revendiqué à l’occasion de leur commande en l’honneur du cinquantenaire de la fusion de Pest, Buda et Obuda en Budapest. Un forte enthousiaste a quelque peu unifié les identités néanmoins caractérisées par le jeu précis des protagonistes – un basson tranquillo d’emblée troublant dans la première –, les tempi nets et idéalement rythmés.
Toujours aussi populaires, Katia et Marielle Labèque étaient les héroïnes du Concerto pour deux pianos, percussion et orchestre, une orchestration de la fameuse Sonate pour deux pianos et percussion composée deux ans auparavant. Grondement de timbale, naissance du piano, crescendo angoissé : la complémentarité des quatre solistes en avant de l’orchestre comble l’écoute.
Camille Baslé et Eric Sammut aux percussions s’associent aux deux pianistes pour le meilleur de leur disparité. Et l’orchestre les rejoint. S’il se contente, la plupart du temps, de souligner ou de renforcer certains éléments énoncés par les solistes, il éclipse la confrontation sonore d’un chef-d’œuvre de la musique de chambre.
Certes, le concerto qui en résulte bénéficie d’un déploiement de timbres dont Bartók est comme toujours le magicien. Malheureusement, ceux des pianos s’y perdent trop souvent. Percutantes, corps engagées, Katia et Marielle Labèque, toutes deux de noir vêtues, marquent les rythmes, arrachent les accords, visiblement heureuses de participer à une si belle aventure avec autant d’aisance.
Mais n’en sont plus les solistes prépondérantes face aux déchaînements de l’orchestre, à ses déflagrations tels des pugilats entre les pupitres, ses contrepoints exacerbés sous la baguette de Salonen parfois cravache. Le Lento ma non troppo ramène une certaine intimité entre les solistes. Gammes et glissando, douceur des caisses claires marquent une pause bienvenue avant l’Allegro final, ma non troppo lui aussi mais course à l’abîme triomphale. Où se perdent les individualités qui feront merveille dans le Concerto pour orchestre.
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Philharmonie, Paris Le 22/10/2015 Claude HELLEU |
| Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction d’Esa-Pekka Salonen, avec la participation des pianistes Katia et Marielle Labèque et des percussionnistes Camille Baslé et Eric Sammut à la Philharmonie de Paris. | Béla Bartók (1881-1945)
Suite de danses pour grand orchestre, Sz. 77
Concerto pour deux pianos, percussion et orchestre, Sz. 115
Katia et Marielle Labèque, pianos
Camille Baslé et Éric Sammut, percussions
Concerto pour orchestre, SZ. 116
Orchestre de Paris
direction : Esa-Pekka Salonen | |
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