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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de la Ville morte de Korngold dans la mise en scène d’Anselm Weber et sous la direction de Björn Huestege à l’Opéra de Francfort.
Halloween-la-morte
L’opéra le plus célèbre de Korngold, d’après Bruges-la-Morte de Rodenbach, profite d’une reprise à Francfort avec un cast totalement différent de celui de 2009, d’où ressortent la Marietta de Sara Jakubiak et le Frank de Björn Bürger. La mise en scène traite Die tote Stadt comme une danse macabre, tandis que le chef privilégie les accents hollywoodiens.
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Créée en 1920 au même moment à Cologne et Hambourg, Die tote Stadt triomphe sur les scènes du monde entier avant d’être plus ou moins oubliée. Effet de mode ou réel intérêt pour cette période musicale très accessible à nos oreilles contemporaines, l’opéra est remonté régulièrement ces dernières années, tout comme ceux de Franz Schreker et dans une moindre mesure Walter Braunfels datant de la même époque.
Composée par un jeune homme d’à peine 23 ans, la qualité intrinsèque de l’œuvre ne mérite pas remise en cause, bien que l’on puisse penser que cette partition aux sonorités très empreintes à Zemlinsky (maître de Korngold) et Richard Strauss à l’orchestre, au vérisme et à Puccini à la voix, profite d’une saturation sur la scène internationale des opéras des deux compositeurs précédemment cités. Pour autant, c’est avec un réel plaisir que l’on assiste à cette reprise d’une production créée en 2009 à Francfort, enregistrée en 2011 pour le disque par Sebastian Weigle et Klaus Florian Vogt dans le rôle-titre.
À l’orchestre, et par rapport à la proposition de Weigle quatre ans plus tôt, on perd la finesse et tout le côté viennois de la partition, cette fois dirigée par le nouvel assistant maison Björn Huestege. Les chromatismes peu démarqués et les couleurs parfois noyées dans la masse sonore ôtent le sentiment de légèreté, pour ne laisser que le penchant hollywoodien de cette musique. Reste alors une véritable ferveur et une présence permanente de la fosse, très agréable même si peut-être un peu trop facile.
Classique dans sa dramaturgie, la proposition du futur intendant de l’Oper Frankfurt, Anselm Weber, choisit de traiter surtout la folie du veuf Paul et l’ambiance funèbre du livret, tout en laissant s’épancher les sentiments amoureux des personnages. L’univers onirique est créé naturellement par le décor de Katja Haß, fait d’un coffrage de bois pour délimiter la scène, dans lequel un cube à panneaux ouvrants monte et descend pour laisser apparaître le mausolée de Maria.
À cela s’ajoute de lugubres apparitions dans les cavités du coffrage et les costumes de danse macabre de Bettina Walter, robes de mariées fantomatiques et habits de squelettes. On notera le beau traitement du jeu de double de Maria-Marietta, grâce à des télévisions dans le mausolée passant d’abord les images de la défunte, puis alternativement celles de son double filmé sur scène.
Tendu sur la ligne de chant, le Canadien David Pomeroy (Paul) vient tout de même à bout d’un rôle très lourd, où il doit alterner entre arias véristes (la dernière notamment) et mélodie continue dans la technique de Richard Strauss. Sara Jakubiak, dans la troupe depuis la saison passée et bientôt l’Eva de Kirill Petrenko à Munich, a les mêmes qualités et défauts qu’à Dresde en Agathe sous Thielemann. La voix s’engage trop délicatement pour s’éclairer à partir du célèbre Glück das mir verlieb, puis se réchauffe en deuxième partie. Remarquons au passage qu’aucun des deux chanteurs principaux ne prononce correctement l’allemand, ce qui ne semble absolument pas déranger le public francfortois.
Très homogènes, les seconds rôles issus de l’Ensemble de l’Opéra de Francfort agrémentent somptueusement cette soirée, tout particulièrement au deuxième tableau dans la scène de la troupe de Marietta, où Michael Porter et Hans-Jürgen Lazar chez les hommes, Anna Ryberg et Jenny Carlstedt chez les femmes, se jouent de la situation complexe des amants. Gardant le meilleur pour la fin, le baryton Björn Bürger a ce soir tout pour lui, tant en Frank qu’en Fritz (rôle du Pierrot) : la diction, la clarté du timbre et une superbe émissions.
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