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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de la Filarmonica della Scala sous la direction de Daniele Gatti au Teatro alla Scala de Milan.
Dictature à l’italienne
Juste après la reprise de Falstaff au Teatro alla Scala, Daniele Gatti dirige l’orchestre maison, la Filarmonica, pour trois concerts symphoniques. L’occasion pour nous de réentendre son interprétation de la Symphonie n° 10 de Chostakovitch et de profiter des délices sonores d’un orchestre magnifié par sa petite harmonie.
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Milanais d’origine, Daniele Gatti ouvre la saison des concerts de l’Orchestre de la Scala en proposant un programme uniquement symphonique, composé de la Symphonie n° 34 de Mozart puis de la Dixième de Chostakovitch. Rarement jouée, la Symphonie en ut KV 338, dernière pièce salzbourgeoise de Mozart, n’a pas encore la liberté ni la personnalité des Haffner et Linz qui vont suivre. Elle garde un fort classicisme sur le fond mais se démarque dans sa forme, avec seulement trois mouvements. Les solistes de l’orchestre y sont mis en avant, à commencer par la petite harmonie, avec le soutien de cordes emmenées ce soir par une Konzertmeisterin de seulement vingt-deux ans.
Gatti dirige l’œuvre dans la plus pure tradition, faisant ressortir son style autrichien sans marquer trop les attaques ni chercher à mettre en avant un instrument ou un groupe plutôt qu’un autre. Il propose une élégance et une finesse dans les cordes qui prouve qu’on est en Italie et pas en terre germanique, et rappelle qu’à l’époque la principauté ecclésiastique indépendante de Salzbourg pouvait être plus proche du style romain que teuton.
D’une tout autre dimension, tant en termes d’impact que d’effectif, la Symphonie n° 10 de Chostakovitch retrouve sous le chef italien la tension atteinte en avril dernier à Salzbourg, alors avec la Staatskapelle Dresden. Dès le motif initial rampant du Moderato, on retrouve la pression accentuée et l’atmosphère suffocante de l’ouvrage composé en 1953. Pourtant, les cordes n’ont pas tout à fait la même densité ni la même gravité que leurs consœurs allemandes, malgré un effectif pléthorique comportant notamment neuf contrebasses.
Considéré comme la représentation musicale de Staline, l’Allegro en deuxième position prend ici les traits de Mussolini, tant cette marche caricaturale fait penser à l’Italie et à l’ouverture de Guillaume Tell, que Chostakovitch réutilisera textuellement dans sa dernière symphonie. La pression est bien là et les coups de massue créés par les accords violents des cordes donnent le ton, mais dans les secondes qui suivent, la pesanteur reste limitée par rapport à ce qui ressortait avec les instrumentistes saxons, comme si même dans le fascisme l’Italie gardait une forme de légèreté.
Déjà magnifique en première partie, le Filarmonica della Scala ressort grandiose dans la seconde. La première violoniste impressionne par tant de maturité dans ces soli de l’Allegretto. Les percussions sont toujours justes, sauf peut-être le tambour un peu trop clair, bien qu’impeccable rythmiquement. Mais surtout, et en plus d’un premier cor superbe, les bois fascinent, tout particulièrement la première clarinette, le piccolo et surtout le premier hautbois. Dommage alors que le basson ne soit pas aussi puissant dans l’Andante, car il passe quelque peu à côté de l’un des thèmes les plus nostalgiques de Chostakovitch, pour se rattraper seulement en fin de mouvement, dans la partie Allegro.
Après un Roméo et Juliette de Prokofiev impressionnant en mai au Théâtre des Champs-Élysées, ce concert prouve une nouvelle fois que Gatti est l’un des chefs les plus impressionnants pour faire ressortir toute la pression de la Russie des années froides. On espère qu’il continuera à explorer ce répertoire à Amsterdam dès la saison prochaine.
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Teatro alla Scala, Milano Le 07/11/2015 Vincent GUILLEMIN |
| Concert de la Filarmonica della Scala sous la direction de Daniele Gatti au Teatro alla Scala de Milan. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Symphonie n° 34 en ut majeur KV 338
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n° 10 en mi mineur op. 93
Filarmonica della Scala
direction : Daniele Gatti | |
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