|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
|
Nouvelle production du Trouvère de Verdi dans une mise en scène de Richard Brunel, sous la direction de Roberto Rizzi Brignoli à l’Opéra de Lille.
Le Trouvère fait son cinéma
Un beau succès public que ce Trouvère lillois. Imagé et imaginé par Richard Brunel, dirigé (oserait-on dire fouetté ?) par Roberto Rizzi Brignoli, le labyrinthique livret de Salvatore Cammarano trouve dans cette production un cadre expressif spectaculaire et efficace, malgré un plateau aux qualités variables.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
Chambre déséquilibrée
RĂ©gal ramiste
[ Tous les concerts ]
|
Autour de l'encombrant décor pivotant se développe une intrigue en forme de poupées gigognes, au terme de laquelle la vengeance semble atteindre des sommets de subtilité et d'ignominie. Assez modestes dans l'ensemble, les voix tirent un indéniable avantage à ce proscenium resserré ; mais l'œil perd en lisibilité ce gain de projection.
La confusion des gestes et des mouvements scéniques est volontairement accentuée, si bien qu'on ne sait plus au juste comment distinguer gitans et hommes du Comte de Luna, tant tout ce beau monde arbore des allures de réfugiés politiques égarés dans un no man's land calaisien ou de bandes rivales façon West Side Story. La présence incongrue d'acrobates et cascadeurs fait oublier quelques raccords aux forceps lorsque l'intrigue bascule des bidonvilles à ce décor de théâtre abandonné. Assez lourdement spectaculaire, la vision du bûcher d'Azucena au III et la pendaison de Manrico tirent vers une forme de Grand-Guignol qui amenuise la tension au lieu de l'augmenter.
On n'en voudra pas à Leonora d'opter pour une organisation humanitaire plutôt que pour une retraite au couvent, même si la vision d'un Manrico sur son lit d'hôpital a de quoi surprendre. On jugera plus convaincante l'idée de la poursuite lumineuse braquée pendant Ah sì, ben mio, sur une Leonora aux faux airs de Rita Hayworth… ou bien la présence de Luna et Ferrando surplombant leurs prisonniers d'un regard sadique pendant le duo entre Azucena et Manrico. L'empoisonnement de Leonora ne sera au fond qu'un accident supplémentaire, sans que la présence opportune de la funeste fiole ne trouve une explication très crédible.
Le plateau est dominé par l'excellent baryton russe Igor Golovatenko. Son Conte di Luna sait ne pas surjouer la noirceur pour incarner le Mal absolu. La ligne splendide d'Il balen del suo sorriso arrache des applaudissements mérités. Face à lui, l'Azucena très charnelle d'Elena Gabouri se démène de bien belle manière pour rendre les convulsions et les appels au meurtre dans Condotta ell'era in ceppi. La raucité et la couleur fauve du registre grave fait volontiers oublier un médium souvent pris en défaut.
La lumière assez diaphane de la Leonora de Jennifer Rowley peine à caractériser un personnage souvent prisonnier d'une vision entre oie blanche et égérie amoureuse. Elle mise sur l'efficacité de son jeu pour faire passer certaines approximations, comme ces notes de passage écourtées dans Di Tale amor. Impeccable de mise en place mais assez peu charismatique, Sung Kyu Park court après sa ligne et sa diction. Son Manrico bien chantant semble égaré et ignorant des enjeux qui l'environnent. Le Ferrando de Ryan Speedo Green et l'Inès d'Evgeniya Sotnikova ne manquent pas de qualités mais se font rapidement oublier, victimes collatérales de la scénographie.
L'Orchestre national de Lille se plie brillamment aux options assez premier degré de Roberto Brizzi Brignoli. Soulignant çà et là des accents inusités, le chef italien dirige pied au plancher un Verdi assez mécanique qu'on dirait composé de soupapes rythmiques et de clapets harmoniques. La baguette incandescente oblige les cuivres à courir après leurs notes et fragilise la mise en place du chœur – superbe d'autorité et de vigueur au demeurant. La production mettra le cap sur le Grand Théâtre de Luxembourg en février et le Théâtre de Caen en juin, emportant le Chœur de l'Opéra de Lille dans ses bagages avec de légères modifications dans la distribution : Arturo Chacón-Cruz en Manrico et Maïram Sokolova en Azucena.
| | |
|
Opéra, Lille Le 23/01/2016 David VERDIER |
| Nouvelle production du Trouvère de Verdi dans une mise en scène de Richard Brunel, sous la direction de Roberto Rizzi Brignoli à l’Opéra de Lille. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Il Trovatore, dramma lirico en quatre parties (1853)
Livret de Salvatore Cammarano et Leone Emanuele Bardare d’après El Trovador d’Antonio GarcĂa GutiĂ©rrez
Chœurs de l'Opéra de Lille.
Orchestre National de Lille/RĂ©gion Nord-Pas de Calais-Picardie
direction : Roberto Rizzi Brignoli
mise en scène : Richard Brunel
dramaturgie : Catherine Ailloud-Nicolas
scénographie : Bruno de Lavenère
costumes : Thibault Vancraenenbroeck
Ă©clairages : Laurent Castaingt
Avec :
Sung Kyu Park (Manrico), Jennifer Rowley (Leonora), Igor Golovatenko (Il Conte di Luna), Elena Gabouri (Azucena), Ryan Speedo Green (Ferrando), Evgeniya Sotnikova (Ines), Pascal Marin (Ruiz), Roman Airault (un vecchio zingaro), un messager (Nikola Stojcheski). | |
| |
| | |
|