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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Troisième Symphonie de Mahler par l’Orchestre de la SWR Baden-Baden und Freiburg sous la direction de François-Xavier Roth à l’Auditorium de Dijon.
Plaidoyer moderne
Pour son pénultième concert à Dijon avant sa fusion avec celui de la Radio de Stuttgart, l’Orchestre de la SWR donne une Troisième Symphonie de Mahler que François-Xavier Roth transforme en plaidoyer de la modernité orchestrale, avec comme cerise sur le gâteau la présence irradiante d’une Petra Lang au sommet pour le chant de Zarathoustra.
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L’ignorance est décidément répandue chez les décideurs politiques de tous bords, de plus en plus bornés aux seuls résultats comptables et trop souvent dépourvus de tout sens artistique, la dissolution de l’Orchestre de SWR Baden-Baden und Freiburg (ou plus exactement sa fusion avec celui de la Radio de Stuttgart) n’étant que la conséquence crasse d’une vision étriquée, un sacrifice sur l’autel de l’art divertissement.
Car s’il s’est trouvé, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une formation capable d’affronter les plus difficiles partitions de la musique de son temps, et d’apporter un éclairage moderne aux grandes partitions plus anciennes, c’est bien l’Orchestre de la SWR, champion toutes catégories en la matière, comme en témoigne ce concert donné dans le cadre idéal de l’Auditorium de Dijon, dévolu à la Troisième Symphonie de Mahler, partition fleuve d’une heure trois quarts dans laquelle la formation d’outre-Rhin pénètre d’emblée de manière fracassante.
Dès le portique initial des cors, qui envahissent tout l’espace avec une plénitude et une tension implacables, on comprend que l’on va arpenter les terres mahlériennes dans une optique tournant le dos au romantisme, privilégiant les carrures, la netteté des angles et des attaques, et des mixtures de timbres inouïes exposées en pleine lumière. Dès lors, chaque intervention de la petite percussion abandonne tout aspect folklorique pour lorgner du côté de Varèse, un sentiment renforcé par la battue recto tono, à mains nues, de François-Xavier Roth.
Cette lecture analytique, saillante, ne corsète pourtant jamais le texte, et même si l’on peut légitimement préférer Tempo di Menuetto et Comodo Scherzando plus pittoresques et Europe centrale (la partie de cor de postillon en coulisse, parfaitement assurée, est à cet égard trop présente, trop concrète), jamais on ne perd la trame, quand bien même ces deux mouvements médians exposent les rares moments où la battue engendrerait ici ou là un discours morcelé.
On sera d’autant plus saisi du climat raréfié, aux silences prégnants, qui ouvre le lied O Mensch, trop souvent abordé avec neutralité par les altos opulents de notre époque, ici serti d’une magnifique humanité par une Petra Lang des grands soirs, allemand de rêve, longueur idéale des consonnes, chant moiré, qui donne le frisson dès sa première intervention par un mélange irrésistible de sobriété et d’immédiateté, legato de velours et rayonnement douloureux incomparable.
Autre surprise dans une lecture globalement sévère, l’émerveillement chaleureux, la naïveté joyeuse du court mouvement choral qui suit, affichant des voix féminines d’une présence et d’une fraîcheur réjouissantes, par-delà des voix d’enfant parfois insuffisamment audibles, seul bémol d’un moment de répit où les interventions de Petra Lang sont là encore du pain bénit.
Preuve d’une absence totale de dogmatisme chez un François-Xavier Roth jouant habilement d’une certaine flexibilité stylistique, son mouvement lent terminal, qui ne tentera jamais la grande métaphysique, n’en demeure pas moins, et sans le moindre surlignement, un Langsam ruhevoll extrêmement émouvant, jouant de la finesse des pupitres, dans une pulsation toujours présente, tempo allant mais jamais précipité.
L’Orchestre de la SWR, dont le violon solo très fin ne pèche que par manque de directivité vis-à -vis de son pupitre, peut donc afficher l’éloquence de ses solistes, des souffleurs (trombones et cors rayonnants, flûte et hautbois pianissimo fusionnés, quand bien même ce dernier, en solo, défend un type de sonorité vieilli) aux cordes (des violoncelles parfaits de sveltesse) en passant par des percussions en mesure de déployer, dans pareille acoustique, les grands crescendi qui sont une des clés de voûtes de l’expressivité mahlérienne.
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Auditorium, Dijon Le 30/01/2016 Yannick MILLON |
| Troisième Symphonie de Mahler par l’Orchestre de la SWR Baden-Baden und Freiburg sous la direction de François-Xavier Roth à l’Auditorium de Dijon. | Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 3 en ré mineur
Petra Lang, alto
Freiburger Domsingknaben
EuropaChorAkademie
SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg
direction : François-Xavier Roth | |
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