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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 novembre 2024 |
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Reprise de Pelléas et Mélisande de Debussy dans la mise en scène de René Koering, sous la direction de Serge Baudo à l’Opéra de Toulon.
Pelléas pour l’éternité
En récupérant la production de l’Opéra de Nice du chef d’œuvre lyrique de Debussy, le directeur de l’Opéra de Toulon Claude-Henri Bonnet s’offre la dernière apparition en fosse du géant français Serge Baudo. Le chef de 88 ans qui avait commencé sa carrière avec Pelléas en 1962 profite en 2016 d’une distribution française portée par le magnifique Guillaume Andrieux.
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Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
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Déjà vue à Nice, la production de René Koering aux décors sobres de Virgile Koering cherche à ramener l’histoire onirique et imaginaire de Pelléas et Mélisande vers une réalité qui perd souvent son sens et semble mal adaptée aux vélos et autre voiture télécommandée. L’assistance de la vidéo offre des images de fond représentant les éléments : le feu, l’eau, les astres, souvent trop surfaits pour mener vers le songe.
On s’attache alors surtout à la musique, avec en fosse l’homme qui a défendu l’œuvre toute sa vie et la dirige certainement pour la dernière fois. Serge Baudo a tout vécu et semblerait presque avoir connu Debussy tant il en maîtrise le langage, à commencer par sa transparence et sa couleur, qu’il fait ressortir d’un Orchestre de l’Opéra de Toulon particulièrement captivant dans les cordes, où les premiers violons exaltent chaque trait. Dans les transitions symphoniques, le chef déplace le propos là où l’a amené le compositeur français : chez Wagner. L’ensemble gagne alors en ténèbres et s’accorde à l’histoire et aux éclairages sombres de Patrick Méeüs.
La distribution entièrement francophone (à part Geneviève) prononce le texte de Maurice Maeterlinck avec distinction et ramène souvent le propos vers le théâtre, créant une attention particulière à des moments habituellement suivis distraitement, comme au II où chaque mot gagne en importance, quand un orchestre massif et une distribution internationale déplace l’attention vers la mélodie.
Geneviève (Cornelia Oncioiu) et Arkel (Nicolas Cavallier) manquent de relief pour apporter toute l’émotion à la lecture de la lettre au I et à la mort de Mélisande au V. Le Médecin de Thomas Dear a une belle présence vocale, mais laisse à l’Yniold de Chloé Briot la place du meilleur second rôle, avec une clarté et un timbre dans l’aigu qui feraient encore passer la jeune soprano pour un enfant.
Laurent Alvaro attaque un Golaud noir et particulièrement présent, pleinement dans le rôle et superbement compréhensible ; il fatigue dans le bas du spectre en seconde partie et appuie trop son personnage dans la dynamique, à l’instar d’autres grands tenants français du rôle actuellement. Sophie Marin-Degor manque de luminosité et de pureté dans la voix pour accompagner parfaitement la direction, mais elle se rattrape par sa présence scénique. Idéal dans la couleur de baryton léger, Guillaume Andrieux donne du poids et de la couleur à Pelléas, le rendant attachant par un jeu vigoureux et juvénile.
Grâce au directeur de Toulon, nous avons découvert un nouveau prétendant au rôle-titre et entendu une dernière fois dans une fosse d’opéra un géant de la direction, qu’il faudra absolument écouter encore s’il redonne un concert la saison prochaine.
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