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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Khovantchina de Moussorgski dans une mise en scène de Christof Loy et sous la direction d’Ingo Metzmacher à l’Opéra d’Amsterdam.
La vengeance de Marfa
Subissant divers influences modernes sans proposer une clé de lecture passionnante, la mise en scène de la Khovantchina par Christof Loy n'amoindrit pas le très haut niveau musical développé par Ingo Metzmacher envers l’orchestre et le chœur, ni une distribution plus que correcte dont se détachent le Shakloviti de Gábor Bretz et la magistrale Marfa d’Anita Rachvelishvili.
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À sa mort en 1881, Modest Moussorgski laisse inachevé un opéra suffisamment génial pour intéresser Rimski-Korsakov dès l’année suivante, puis plus tard Igor Stravinski (1913) et Dmitri Chostakovitch (1959-1960). Effet de mode autant que véritable choix intellectuel, on ne joue presque plus aujourd’hui que la version réorchestrée du dernier, plus complète et surtout plus légère que celle du compatriote du Groupe des Cinq.
Pour son retour en fosse à Amsterdam dans une salle dont il a été directeur musical de 2004 à 2008, Ingo Metzmacher ne pouvait faire d’autre choix que cette version de 1960, sans laisser imaginer qu’il toucherait avec autant de justesse à la mystique et à la finesse d’un chef-d’œuvre fortement influencé par les émotions slaves. Le Nederlands Philharmonisch Orkest fait ressortir une palette de couleurs dans laquelle on profite autant des quatre harpes que des cuivres toujours justes, même lorsqu’ils sont emmenés en fanfare sur le plateau au IV.
Seules les cordes manquent de densité pour porter les premières scènes, sans toutefois déranger le chef allemand dès qu’il s’agit de rendre l’ambiance plus sombre ou plus pesante, comme à la fin des deux premiers actes, ou pendant tout de dernier. À partir du III, la soirée prend un nouveau tournant pour tutoyer des sommets, déjà atteints au II dans l’air de Marfa, où la géniale Anita Rachvelishvili est soutenue par de superbes bois.
Également fort en impact, le Chœur de l’Opéra d’Amsterdam fait ressortir tout le mysticisme de l’ouvrage et ferait presque croire qu’il vient de Russie si l’équilibre ténors-basses ne penchait en faveur des premiers. Le final chanté en coulisse semble faire ressortir plusieurs siècles de combats contre l’oppression tsariste, et laisse en état de grâce un public totalement conquis.
Des trois basses, seul le hongrois Gábor Bretz parvient à soutenir son texte dans la profondeur des graves, tandis que Dmitri Ivashchenko (Prince Ivan Khovanski), annoncé souffrant, s’en sort avec honneur sans pouvoir pousser trop la voix, ni jouer sur ses couleurs sombres. Orlin Anastassov (Dossifeï) réussit à plus travailler le bas de la tessiture, mais possède lui aussi un timbre parfois trop clair pour donner toute l’ampleur nécessaire au personnage du Vieux croyant, et passe donc à côté du puissant monologue du III.
Les ténors sont portés par Kurt Streit (Prince Vasili Golitsine), intéressant dans le jeu d’acteur mais moins passionnant dans le style et dans le souffle, tout comme le Scribe d’Andreï Popov, également bon acteur mais vocalement assez peu présent. Maxim Aksenov (Prince Andreï Khovanski) intéresse dans la diction mais manque de lyrisme pour attirer son amour, l’Emma courte en souffle et aux aigus difficiles de Svetlana Aksenova ; on profite donc surtout de la Susanna bien projetée et à l’aise dans l’aigu comme sur scène d’Olga Savova.
De ce plateau slavophile, un rôle se démarque complément pour magnifier sa partie : la Marfa impressionnante de justesse, de tenue, de lyrisme et de timbre de la mezzo géorgienne Anita Rachvelishvili. Celle qui avait déjà dépassé en Luybasha la Marfa de Rimski-Korsakov à Berlin et Milan accroche toute l’attention dès qu’elle est sur scène, aussi à l’aise dans l’amplitude vocale au II que dans des sons filés très maîtrisés au suivant et au final.
Dommage que la mise en scène de Christof Loy ne propose rien de passionnant, cherchant comme Tcherniakov dans la Fiancée du Tsar à jouer sur des costumes d’époque reliés à la société contemporaine, sans prolonger l’idée ! Un cheval blanc mort dans un décor de révolte, mis en regard avec en fond le tableau de Vassili Sourikov de 1881 représentant le Matin de l'exécution des Stretsly, ne fait qu’effleurer l’oppression et les guerres contre le Tsar.
Il faut attendre le IV et une ambiance qui tourne vers les travaux de Calixto Bieito pour trouver un véritable intérêt aux danses des persanes, malsaines parce qu’effectuées par de très jeunes filles, puis ensuite dans une simple mais belle image du couteau meurtrier donné par la main innocente d’une enfant. Le final et ses bougies devant le rideau noir fonctionne, en laissant toute sa place au principal : la musique.
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Het Muziektheater, Amsterdam Le 28/02/2016 Vincent GUILLEMIN |
| Nouvelle production de la Khovantchina de Moussorgski dans une mise en scène de Christof Loy et sous la direction d’Ingo Metzmacher à l’Opéra d’Amsterdam. | Modest Moussorgski (1839-1881)
La Khovanchtchina, opéra en cinq actes
Livret du compositeur
Version de Dmitri Chostakovitch de 1959-1960
Nieuw Amsterdams Kinderkoor
Koor van De Nationale Opera
Nederlands Philharmonisch Orkest
direction : Ingo Metzmacher
mise en scène : Christof Loy
décors : Johannes Leiacker
costumes : Ursula Renzenbrink
lumières : Reinhard Traub
chorégraphie : Thomas Wilhelm
préparation des chœurs : Ching-Lien Wu
Avec :
Dmitri Ivashchenko (Prince Ivan Khovanski), Maxim Aksenov (Prince Andreï Khovanski), Kurt Streit (Prince Vasili Golitsyne), Gábor Bretz (Shakloviti), Orlin Anastassov (Dossifeï), Anita Rachvelishvili (Marfa), Olga Savova (Susanna), Andreï Popov (Un Scribe), Svetlana Aksenova (Emma), Roger Smeets (Varsonofiev), Vasily Efimov (Kuzka), Morschi Franz (Streshnev), Vitali Rozynko, Sulkhan Jaiani (Deux soldats). | |
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