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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de Murray Perahia dans la série Piano**** à la Philharmonie de Paris.
Maître superlatif
Qu’il est réconfortant de voir la vaste Philharmonie de Paris quasiment pleine pour accueillir Murray Perahia, l’un des plus grands maîtres du piano de notre époque ! Un grandiose parcours de l’aube au cœur du romantisme pour ce récital Piano**** conclu par une Sonate Hammerklavier de Beethoven touchant au sublime.
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Si les amateurs d’art lyrique peuvent ressentir parfois une certaine nostalgie en songeant à un passé, pas si éloigné d’ailleurs, où rayonnaient une dizaine de voix jamais remplacées, on ne peut dresser le même bilan pour les pianistes. Nous avons la chance d’assister à un renouvellement continuel et à la permanence d’une génération trônant toujours en haut de l’Olympe du clavier.
Il suffit pour cela de regarder entre autres la programmation de Piano**** pour s’en convaincre. S’y succèdent Argerich et Barenboïm, Freire, Leonskaïa, Kovacevich, Lupu et pour l’heure Perahia, aussi bien que Sunwook Kim, Yundi ou des représentants d’une génération intermédiaire comme Alexeï Volodin. D’autres séries existent aussi, certaines pouvant aussi s’offrir le luxe de programmer uniquement des espoirs, souvent des plus passionnants.
Écouter un maître absolu comme Murray Perahia reste un jalon, dans une saison musicale, une référence toujours aussi convaincante et qui plus est excitante. Les doigts de l’Américain ont une magie qui communique un charme, une poésie, une énergie intérieure absolument uniques à tout ce qu’il joue. En arrière-plan, il y a bien sûr tout une vie de réflexion, d’expérience, structurées par une intelligence et une sensibilité hors normes. Mais dans l’instant, tout semble spontanéité, jaillissement impromptu, nous faisant entrer dans chaque univers musical, dans chaque style, sans heurt, sans ostentation, mais de manière irrésistible.
Avec les Variations en fa mineur de Haydn et la Sonate en la mineur de Mozart, on côtoie un préromantisme en éclosion, d’une élégance encore bien baroque pour le premier, plus dramatique et engagé pour le second. Le toucher est d’un équilibre idéal, riche de son sans excès de poids, servi qui plus est par un Steinway remarquable dont on admirera toute la soirée en particulier les aigus soyeux, rayonnants, d’une étonnante profondeur.
Quatre Klavierstücke de Brahms et un Capriccio nous mènent à un romantisme affirmé, dans un monde sonore différent, plus étoffé, avec un toucher plus profond, et des emportements plus libérés. C’est très imaginatif et personnel en restant dans de parfaites normes stylistiques, avec un phrasé idéalement modelé. Et puis, après l’entracte, nous voilà emportés dans les passions troublantes et immenses de la Sonate n° 29 en sib majeur Hammerklavier de Beethoven.
On sait la démesure de cette page qui constitue l’un des sommets du répertoire pianistique et un véritable défi pour tout interprète, y compris les plus grands. Avec cette écriture audacieuse, débordante d’élans contradictoires, prophétiques, Beethoven nous emporte au plus profond de son intimité douloureuse et bouillonnante et Perahia y déploie un piano quasi orchestral d’une somptuosité incroyable.
Sans avoir recours à une gestuelle extériorisée à l’extrême comme on en voit tant aujourd’hui, il va justement aux frontières extrêmes de cette musique d’une complexité sonore qui nous parvient dans sa totalité, sans aucune brutalité, mais avec une évidence incontournable. Tout est splendide, le son, la pensée qui préside à l’analyse et se traduit ans le rapport à l’instrument. Quelle passionnante trajectoire musicale parcourue depuis Haydn et Mozart et qui ne représente en fait que trente-cinq années environ de l’histoire de la musique !
Cette Hammerkavier restera sans aucun doute l’un des très grands moments de la saison musicale à Paris.
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Philharmonie, Paris Le 21/03/2016 GĂ©rard MANNONI |
| Récital de Murray Perahia dans la série Piano**** à la Philharmonie de Paris. | Joseph Haydn (1732-1809)
Variations en fa mineur Hob.XVII/6
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate pour piano n° 10 en la mineur KV 310
Johannes Brahms (1833-1897)
Klavierstücke op. 118 n° 2 et 3, op. 119 n° 2 et 3
Capriccio op. 116 n° 1
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano n° 29 en sib majeur op. 106 « Hammerklavier »
Murray Perahia, piano | |
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