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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Récital du pianiste Evgeny Kissin au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Conviction en dents de scie
Depuis son plus jeune âge, Evgeny Kissin brille au panthéon des pianistes exceptionnels. Le voici quadragénaire accompli, maître d’un répertoire dont il fouille les secrets et ose défier les codes établis. Avec un pouvoir de conviction plus ou moins grand selon l’œuvre qu’il revisite. Et la même générosité pour son public.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 15/03/2016
Claude HELLEU
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
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Le crépitement des doubles croches fait place à un diminuendo tel un retrait qui précéderait le tsunami que va déclencher Evgeny Kissin dans le Finale de la Sonate n° 23 de Beethoven. Le dernier mouvement de l’Appasionata sublime ses records. Possédé par cette musique qui le grise, le pianiste défie les éléments. Interprétation et partition procréent une course ivre de ses conquêtes, abîme et au-delà devenus même entité dans un déferlement que la passion transcende.
Pour certains auditeurs, il était temps. Avant cette apothéose, que d’étonnements face à une pensée centrée sur l’attaque de chaque note, insistance nuisible à l’impulsion du premier mouvement ! Techniquement admirable, toujours rigoureux, le jeu presque sans pédale privilégie la netteté, remarquable, au timbre, affadi, les basses parfois même occultées sous la clarté des lignes hautes du clavier. Les accords massifs de cet Allegro assai en deviennent durs, incisifs. Lenteurs, pauses et emportements exagèrent leurs contrastes, fractionnent l’élan qui porte ses fulgurances. Le climat en parait plus colérique que dramatique.
Les Variations de l’Andante con moto s’enchaînent dès lors sous une même lumière, sans mystère. Mais leur dernier accord, magnifiquement arraché, prépare à la folie des doubles croches qui vont nous emporter dans l’Allegro ma non troppo, ce défi du ciel et de l’enfer sans la moindre retenue, un torrent de feu dont chaque brindille reste visible.
Avant Beethoven, la Sonate n° 10 en ut majeur de Mozart a surpris. Les temps marqués, souvent accompagnés des coups de tête du pianiste penché sur son clavier, semblent trépigner. Ce caractère autoritaire alourdit la simplicité des trois mouvements, étrangle la spontanéité de leur richesse mélodique. Kissin est un trop grand pianiste pour ne pas vouloir ce qu’il fait, mais ses choix n’ont pas tous la même évidence.
Ainsi de son interprétation des Trois Intermezzi op. 117 de Brahms. Là encore le poids de chaque note nuit à la douceur de l’Andante moderato qui nous introduit dans leur climat. Truffée de rubato, la phrase perd son naturel. Les effets d’attente coupent son expressivité. Inutile de prolonger la moindre sonorité. Les arpèges du deuxième intermezzo déclinent sans tant de ruptures la mélodie en demi-teinte. Mais la même recherche éperdue lasse dans le troisième. Les harmonies, clairement soulignées – encore que la main droite domine les deux mains à l’unisson –, progressent sans mystère. Aucune surprise ne module la nostalgie d’un parcours qui s’achève comme il a commencé.
Cette neutralité de la main gauche handicape le Granada d’Albéniz dont la pénétration ou le piqué remplacent la variation des couleurs. Rien ne coule dans la démonstration technique exemplaire qu’en exacerbe Kissin. Issus de la Suite espagnole n° 1, ce que le programme dédaigne de préciser (mais peut-on appeler programme la feuille consacrée à Kissin ?), Cadiz, Cordoba, Asturias enchaînent des rythmes dont le caractère ibérique n’est pas évident. Toujours mieux révéler la richesse d’écriture compense la similitude des sonorités. Jusqu’au moment où la pédale, si bellement rare, en subtilise un moment de rêve. Ou quand la virtuosité commande et que la sensibilité de Kissin n’a plus le loisir de s’attarder sur l’individualisation de chaque élément d’une partition ainsi revisitée.
¡ Viva Navarra ! de JoaquĂn Larregla pour conclure, et pourquoi pas ? Peut-ĂŞtre les habituĂ©s trouveront-ils l’origine de ce morceau des plus brillants. Recherche et dĂ©fi ne font pas toujours bon mĂ©nage.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 15/03/2016 Claude HELLEU |
| Récital du pianiste Evgeny Kissin au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate pour piano n° 10 en ut majeur KV 330
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano n° 23 en fa mineur op. 57 « Appassionata »
Johannes Brahms (1833-1897)
Trois Intermezzi op. 117
Isaac Albéniz (1860-1909)
Granada, Cadiz, Cordoba, Asturias
JoaquĂn Larregla (1865-1945)
¡ Viva Navarra !
Evgeny Kissin, piano | |
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