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CRITIQUES DE CONCERTS 22 décembre 2024

Nouvelle production de Macbeth de Verdi dans une mise en scène de Barrie Kosky et sous la direction de Teodor Currentzis à l’Opéra de Zurich.

Séisme théâtral et musical
© Monika Rittershaus

Spectacle éblouissant, d’une intensité stupéfiante, où la puissance physique de la mise en scène de Barrie Kosky le dispute au génie de la direction d’orchestre de Teodor Currentzis. Portée par une distribution idéale, cette vision du Macbeth de Verdi d’une effroyable noirceur et d’une violence tétanisante laisse complètement hagard.
 

Opernhaus, ZĂĽrich
Le 06/04/2016
Pierre-Emmanuel LEPHAY
 



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  • Habituellement, un critique prend des notes lors d’un spectacle, pour ĂŞtre sĂ»r de ne rien oublier de marquant ou de troublant dans une reprĂ©sentation Ă  laquelle il est conviĂ©. Mais pour cette nouvelle production du Macbeth de Verdi donnĂ©e par l’OpĂ©ra de Zurich, on eĂ»t Ă©tĂ© bien incapable de noter quoi que ce soit tant on fut happĂ© sinon complètement hypnotisĂ© tout au long d’une reprĂ©sentation d’une rare intensitĂ© oĂą la partie visuelle l’aura disputĂ© Ă  la partie auditive en termes d’excellence.

    La scénographie, on ne peut plus sobre (décors et costumes tout en noir, longue perspective vers le fond de scène créée par de simples petites lumières), plonge constamment dans le drame avec des images étranges, sordides et inquiétantes – le corps de Macbeth recouvert de cadavres de corbeaux, les sorcières symbolisées par des hommes, des femmes et des transsexuels nus tels des fantômes aux chairs flasques. Mais le plus saisissant dans cette vision âpre et austère réside dans une direction d’acteurs exceptionnelle, dont Barrie Kosky est coutumier, avec un travail sur le corps tel qu’on n’en avait pas vu depuis Chéreau.

    Inoubliables sont ainsi toutes les scènes entre Macbeth et sa Lady : leurs étreintes, leurs disputes, leurs doutes, leurs peurs sont rendus par un jeu extrêmement physique (qui ne se limite pas au geste et à l’expression du visage) dont la puissance phénoménale renverse l’âme. Les rares scènes de groupes (les chœurs souvent en coulisses pour centrer l’action sur le couple maudit) sont tout aussi intenses du fait des lumières magiques de Klaus Grünberg sculptant les masses chorales.

    Mais que serait un tel travail théâtral sans des chanteurs qui ne seraient de véritables acteurs ? La distribution réunie frise l’idéal avec un investissement très impressionnant. Markus Brück dans le rôle-titre frappe par la beauté et la solidité de la voix et par un engagement incroyable. Son Macbeth faible, complètement sous l’emprise de son épouse, se transformant progressivement en veule puis en fou, est saisissant. Il ne malmène pour autant jamais la ligne et distille ses arias avec un art consommé.

    Tatiana Serjan n’a rien à lui envier, avec une voix plus tranchante, solide du grave (sonore) à l’aigu (avec le contre-réb à la fin de la scène du somnambulisme) et une incarnation absolument stupéfiante. Mêmes qualités pour le très beau Banco de Wenwei Zhang et l’inattendu Macduff d’un Pavol Breslik éperdu. La mise en scène flatte particulièrement les seconds rôles qui sont tous extrêmement bien tenus. Le chœur évolue sur les mêmes cimes, offrant un Patria oppressa d’anthologie.

    Au cas où l’on en douterait encore, Teodor Currentzis est un génie, cette soirée en apportant une preuve de plus. Évidemment, on peut être dérangé par une direction qui bouscule autant les habitudes, mais que de feu, d’énergie, de violence parfois dans une direction survoltée galvanisant l’orchestre, pétrie de personnalité, faisant émerger des détails méconnus d’une partition pourtant célèbre, et concourant au même titre que la mise en scène à mettre le feu au plateau ! Car ce qui frappe dans cette soirée, c’est un travail d’équipe stupéfiant où tous marchent dans la même direction, celle de la folie qui saisit les deux personnages principaux et qui est prête à se transmettre au public complètement abasourdi.

    Que de musique, de théâtre, d’émotions dans cette soirée inoubliable dont on sort presque épuisé ! On n’avait pas connu pareil coup de massue depuis l’Elektra de Salonen-Chéreau à Aix-en-Provence en 2013. Vite, un DVD !




    Opernhaus, ZĂĽrich
    Le 06/04/2016
    Pierre-Emmanuel LEPHAY

    Nouvelle production de Macbeth de Verdi dans une mise en scène de Barrie Kosky et sous la direction de Teodor Currentzis à l’Opéra de Zurich.
    Giuseppe Verdi (1813-1901)
    Macbeth, opéra en 4 actes
    Livret de Francesco Maria Piave d’après Shakespeare

    Chor des Opernhaus ZĂĽrich
    Philharmonia ZĂĽrich
    direction : Teodor Currentzis
    mise en scène : Barrie Kosky
    décors & éclairages : Klaus Grünberg
    costumes : Klaus Bruns
    préparation des chœurs : Ernst Raffelsberger

    Avec :
    Markus Brück (Macbeth), Tatiana Serjan (Lady Macbeth), Wenwei Zhang (Banco), Pavol Breslik (Macduff), Ivano Rusko (la Comtesse, camériste de Lady Macbeth), Airam Hernandez (Malcolm), Dimitri Pkhaladze (le médecin), Erik Anstine (le serviteur de Macbeth).

     


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