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CRITIQUES DE CONCERTS |
24 novembre 2024 |
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Nouvelle production de Rigoletto de Verdi dans une mise en scène de Claus Guth et sous la direction de Nicola Luisotti à l’Opéra de Paris.
Rigoletto en papier mâché
Portée par la présence de la soprano russe Olga Peretyatko et grande réussite globale sur le plan musical, la nouvelle production de Rigoletto à l’Opéra de Paris dans la proposition de Claus Guth questionne en revanche sur le plan scénique par son incapacité à proposer un travail abouti, donnant finalement plus à regarder qu’à raisonner.
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Étonnant paradoxe que cette première saison de Stéphane Lissner à l’Opéra de Paris, car si la période Joel sans joie ni pleurs est définitivement derrière nous, la dynamique dans les noms programmés pour les nouvelles productions ne trouve pas encore de résultat totalement probant. Les distributions rattrapent les attentes grâce à une qualité parmi les meilleures mondiales, comme le prouve encore cette première du difficile Rigoletto de Verdi.
À en juger par la terminologie de « collaborateurs à la mise en scène » donnée à son dramaturge Konrad Kuhn et à Aglala Nicolet, il semble que Claus Guth a laissé la main sur un projet qu’il a dû superviser plus que réellement approfondir. On retrouve donc les clés de succès du scénographe allemand de cinquante-deux ans à travers un paradigme inabouti, qui en ne prenant pas le risque d’appuyer le huis-clos psychanalytique se transforme finalement en concept anecdotique en seconde partie.
Le vaste décor créé par Christian Schmidt représente une boite en carton sur toute la scène, retrouvée en format réduit dans les mains d’un double du bouffon. Dans cette boîte de Pandore se trouve le monde de Rigoletto, partagé entre l’espérance incarnée par sa fille et la sombre réalité de sa fonction. Cette espérance imagée par des vidéos rappelant le travail de Bill Viola pour Tristan invite à la contemplation de la jeunesse et de la pureté à travers une enfant en robe blanche, attirée par le mal (l’homme) à mesure qu’elle grandit. À l’opposé est retranscrite la réalité d’une société de cauchemar par la robe blanche déjà tachée de sang, et un chœur d’ombres dont le chant est superbe de bout en bout, particulièrement en coulisses au final.
Le personnage de souffrance tiré du drame de Victor Hugo le Roi s’amuse trouve un double muet (ou plutôt quasi muet car il débute la complainte du II) à travers un clown triste et crasseux rappelant l’Homme qui rit, autre texte magistral de l’écrivain français. De mal à seul Rigoletto a donc mal à deux, sans que cette idée ne soit finement développée, car plutôt que de faire réfléchir le public parisien, on cherche à le divertir en lui donnant à voir et non à penser dans un II et III insipides, mélange de danseuses du Lido et de chorégraphies caricaturales.
Moins italien dans le chant qu’idéal dans le propos, l’excellent Rigoletto de Quinn Kelsey caractérise superbement ses deux emplois d’homme grotesque et éploré, sauf à la fin où l’insuffisance d’émotion vient en partie des manquements de la mise en scène à cause d’un double (Pascal Lifschutz) trop visible pour concentrer l’action sur la musique. Très correct par rapport à la difficulté et à l’ingratitude d’un rôle imposant trois arias en dehors de l’action, le Duc de Michael Fabiano n’est pas toujours fin ni juste au I, d’autant qu’il recompose certains accents de sa partition. La donna è mobile est toutefois magnifiquement interprété et meilleur encore repris en coulisse dans la dernière scène.
Vertu principale du plateau, la colorature russe Olga Peretyatko s’implique autant physiquement qu’elle s’amuse vocalement avec le haut de sa tessiture, toujours claire et lyrique dans une ligne de chant fluide Ă laquelle elle apporte les aigus les plus difficiles avec naturel et facilitĂ©. Les seconds rĂ´les excellent dans le jeu comme dans le chant dès le premier tableau avec le beau timbre du Borsa de Christophe Berry et la belle projection de la Contessa d’Andrea Soare, puis par la prĂ©sence vocale du Marullo de Michał Partyka, avant les graves noirs du Sparafucile de Rafał Siwek. Vesselina Kasarova (Maddalena) s’intègre parfaitement dans le type de personnage recherchĂ© pour les univers de Guth, mais manque de puissance.
L’Orchestre de l’Opéra de Paris trouve en Nicola Luisotti un chef italien affirmé dans une tradition qu’il développe maintenant en tant que directeur musical de l’Opéra de San Francisco. Il dynamise la fosse par des jeux de contrastes et de brusques variations de tempo, sans apporter aucun angle réflexif ni psychologique à cette géniale partition. Les bois procurent couleur et légèreté quand la finesse des cordes emporte certaines mesures vers Mozart. D’excellentes qualités qui rejoignent la sensation d’une très belle représentation dans sa globalité, mais laisse les vibrations de l’analyse à plus tard.
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Opéra Bastille, Paris Le 11/04/2016 Vincent GUILLEMIN |
| Nouvelle production de Rigoletto de Verdi dans une mise en scène de Claus Guth et sous la direction de Nicola Luisotti à l’Opéra de Paris. | Giuseppe Verdi (1813-1883)
Rigoletto, mélodrame en trois actes
Livret de Francesco Maria Piave d’après le Roi s’amuse de Victor Hugo
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Nicola Luisotti
mise en scène : Claus Guth
collaboration à la mise en scène et dramaturgie : Konrad Kuhn
collaboration à la mise en scène : Aglala Nicolet
décors et costumes : Christian Schmidt
Ă©clairages : Olaf Winter
vidéos : Andi A. Müller
chorégraphie : Teresa Rotemberg
préparation des chœurs : José Luis Basso
Avec :
Michael Fabiano (Il Duca di Mantova), Quinn Kelsey (Rigoletto), Olga Peretyatko (Gilda), Rafał Siwek (Sparafucile), Vesselina Kasarova (Maddalena), Isabelle Druet (Giovanna), Mikhail Kolelishvili (Il Conte di Monterone), Michał Partyka (Marullo), Christophe Berry (Matteo Borsa), Tiago Matos (Il Conte di Ceprano), Andreea Soare (La Contessa), Pascal Lifschutz (Double de Rigoletto). | |
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