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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création mondiale du premier musical cubain, Carmen la Cubana, de Norge Espinosa Mendoza au Théâtre du Châtelet, Paris.
Une Carmen cubaine
Inspiré, peut-être, mais séparé de l’original par un océan. Situé à Cuba, en 1950, la sympathique vitalité de ce musical cubain part un peu dans tous les sens. Sur les thèmes de Bizet, la variété des styles musicaux s’accompagne sur scène d’une pléthore d’interprètes aux danses plus ou moins convaincantes selon les moments.
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Prototype de la femme libre et fatale, la Carmen de Mérimée ne cesse de renaître sous le désir des hommes. Devenue Carmen Jones à Broadway en 1943 sous celui d’Oscar Hammerstein, la voici, issue de la précédente, Carmen la Cubana, sous celui d’Alex Lacamoire et de ses partenaires, une ouvrière à la fabrique de cigares de La Havane, rebelle et provocante comme il se doit.
Nous sommes en 1950, Fidel Castro et ses troupes s’apprêtent à renverser Batista, les gangsters de la mafia remplacent les brigands espagnols, José est soldat mais Escamillo est devenu un champion de boxe, l’histoire suit son cours, on reconnaît les airs de Bizet sous les arrangements rythmés, cette actualisation tient la scène, pourtant le plaisir que donne ce spectacle reste mitigé.
Parce que l’ambiance est trop souvent confuse, le plateau envahi d’une foule apparemment désordonnée ? Le fouillis des ballets clame un bel entrain, certes, mais on se perd dans de tels débordements de vitalité. Si on reconnait la musique de Bizet, c’est par bribes. La tournure cubaine donnée aux grands airs de l’opéra, devenus éléments de base pour les besoins de leur modernisation, les raccourcit et nous frustre.
Edgar Vero, lui aussi d’origine cubaine, revendique leur diversité. Alex Lacamoire et lui ont « décortiqué toutes les chansons de l’opéra pour trouver un rythme qui convienne » à chacune et qu’il en résulte des styles différents. Pourquoi pas ? Mais leur mélange dilue la puissance des couleurs. En outre, les forte sont permanents. Les treize musiciens venus de La Havane sont excellents, percussions et bata particulièrement présents, et n’ont aucune raison de diminuer leur éclat quand sur scène tous se donnent au maximum de leur potentiel.
On attend de ces rythmes une sensualité maîtresse. Or trop souvent le bruit l’occulte. Le corps de la belle Carmen aux yeux de braise, hors quelques déhanchements primaires, ne suit pas les phrases qu’elle chante d’une voix bien placée dans le bas-médium mezzo forte, ou crie avec conviction sinon passion. Artiste cubaine reconnue, née à La Havane, Luna Manzanares demeure un peu trop statique dans les scènes les plus chaudes, telle celles où elle veut ensorceler José, et s’affirme mieux dans ses revendications d’indépendance.
Un José qui n’en demeure pas moins fou amoureux et se montre le meilleur et le plus séduisant de la distribution. Voix claire, précise, bien projetée, Joel Prieto est aussi un excellent acteur. Sa jalousie et son désespoir marquent le drame qui se délite dans les combats de boxe (au demeurant réussis) en place de l’arène. Le malheur de Marilù ex Micaëla, la fiancée fidèle et abandonnée de José, émeut sans jamais agacer, apporte au contraire une émotion sincère à la fin tragique, tant la jolie voix et le jeu de Raquel Camarinha sont sensibles et tenus.
Les autres protagonistes essentiellement cubains et recrutés à La Havane participent au mieux à la création d’un musical séduisant mais trop riche d’intentions. D’autant que ses auteurs ont ajouté un personnage censé nous annoncer ce qui se passe : Albita incarne puissamment cette Senora lourde à la progression d’un drame qui n’est plus assez centré sur le désir et son pouvoir. L’exotisme de la bohémienne disparait dans une actualité politique pesante. Mais sa liberté demeure invincible sur toutes les scènes, tous les écrans du monde, Carmen la cubaine en témoigne à Paris.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 08/04/2016 Claude HELLEU |
| Création mondiale du premier musical cubain, Carmen la Cubana, de Norge Espinosa Mendoza au Théâtre du Châtelet, Paris. | Carmen la Cubana
Inspiré de Carmen, de Georges Bizet, sur une idée et des lyrics d’Oscar Hammerstein II
conception et mise en scène : Christopher Renshaw
livret : Norge Espinosa Mendoza, Stephen Clark et Christopher Renshaw
lyrics : Norge Espinosa Mendoza
orchestration et arrangements : Alex Lacamoire
co-arrangements : Edgar Vero
superviseur musical : Kurt Crowley
direction musicale : Manny Schvartzman
décors et costumes : Tom Piper
chorégraphie : Roclan Gonzalez Chavez
Ă©clairages : Fabrice Kebour
collaboration à la mise en scène : Matthew Cole
Avec :
Luna Manzanares (Carmen), Joel Prieto (Jose), Albita (la Senora), Raquel Camarinha (Maritu), Joaquin Garcia Mejias (El Nino), E. Man XorOna (Moreno), Eileen Faxas (Paquita), Nyseli Vega (Cuqui), Tony Chiroldes (Rico), Cedric Leiba, Jr. (Tato), Pascal Pastrana (Kid Cowboy). | |
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