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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de Stephen Kovacevich dans la série Piano**** à la Philharmonie 2, Paris.
Un grand parmi les grands
Il souhaiterait, dit-on, abandonner bientôt l’estrade du concert. À soixante-seize ans, un souhait légitime ? Peut-être, mais quelle perte pour le monde du piano ! Car cette année encore à la Philharmonie 2, Stephen Kovacevich est venu rappeler à un monde envahi par le bruit ce que veut vraiment dire faire de la musique.
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Quelle meilleure introduction à cette leçon de musique que la Sonate op. 1 d’Alban Berg ? Une page concise, essentielle, immatérielle, tout en subtilité du son et du phrasé, rien d’inutile, aucune recherche d’effet. Message musical d’une pureté totale, abordé par Stephen Kovacevich avec le toucher d’une délicatesse ferme qu’on lui connaît et qui semble caresser le piano même dans la force.
Un hommage, aussi, à la forme sonate, célébrée juste après d’autre manière, par l’opulente Sonate en la majeur D 959 de Schubert. On passe d’un extrême à l‘autre. Cette sonate de Schubert, avec ses climats très variés, est dans son ensemble peut-être moins métaphysique ou hallucinée que d’autres. Des passages proches de la joie simple de certains Lieder, mais aussi de vastes déploiements d’un lyrisme et d’une générosité romantiques aux incroyables couleurs.
Et c’est justement par la manière dont il maintient l’équilibre entre ces nuances ténues, sans rien trahir de leur diversité mais en préservant l’homogénéité générale de la ligne du propos, que Kovacevich s’affirme toujours et encore comme l’un des très grands maîtres du piano. Les beaux emportements du Rondo allegretto final restent typiquement schubertien, avec une tension spécifique différente de celles que l’on trouve chez Beethoven ou encore chez Brahms. Ce ne sont pas les mêmes angoisses ni les mêmes élans, ni surtout la même lumière.
Après l’entracte, retour à un propos musical d’un autre ordre, avec la Partita n° 4 en ré majeur BWV 828 de Bach déjà jouée lors d’un précédent récital à Pleyel. Comme pour Berg, l’essentiel reste ici dans le respect de structures musicales d’une pureté arachnéenne dont le pianiste laisse chanter chaque phrase avec un naturel et une évidence confondants. C’est d’une absolue beauté, comme si vraiment la musique parlait d’elle-même, aussi proche que possible de sa naissance dans l’inspiration du compositeur.
Et puis, pour finir, un choix de pièces de Brahms : ballades, intermezzi, capriccio, autre visage du romantisme et de l’écriture pour piano. Le son n’est plus le même. Il a une autre profondeur, correspondant à la richesse et à la complexité spécifiques de l’écriture brahmsienne, qui n’est plus la fluidité entendue chez Schubert, mais avec toujours chez l’interprète cette magie d’un incomparable instinct du phrasé. On ne peut que se répéter en soulignant à quel point, à ce stade d’une immense carrière toujours menée avec la plus sincère et la plus complète réflexion, Stephen Kovacevich reste un exemple pour les générations qui le suivent. S’il se retire vraiment, ses nombreux disques pourront heureusement continuer à en témoigner.
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Philharmonie 2, Paris Le 15/04/2016 Gérard MANNONI |
| Récital de Stephen Kovacevich dans la série Piano**** à la Philharmonie 2, Paris. | Alban Berg (1885-1935)
Sonate pour piano op. 1
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano en la majeur D 959
Johann-Sebastian Bach (1685-1750)
Partita n° 4 en ré majeur BWV 828
Johannes Brahms (1833-1897)
Ballade op. 10 n° 4 en si majeur
Intermezzo en si mineur op. 119
Ballade op. 10 n° 1 en ré mineur
Intermezzo n° 7 en la mineur op. 76
Intermezzo n° 3 en lab majeur op. 76
Capriccio n° 7 en ré mineur op. 116
Stephen Kovacevich, piano | |
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