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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Curlew River de Britten dans une mise en scène de Guillaume Vincent et sous la direction de Nicolas Chesnau à l’Opéra de Dijon.
Britten déjaponisé
Après le spectacle hyperjaponisant d’Olivier Py à Lyon, le rare Curlew River de Britten est programmé à Dijon dans la mise en scène très occidentale de Guillaume Vincent, qui préfère creuser du côté de la réminiscence, de l’image mentale pour servir cette géniale parabole d’église du compositeur anglais servie ici par une excellente distribution.
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À Lyon, d’abord au Théâtre des Célestins (2008) puis à l’Opéra Nouvel (2014), Olivier Py avait réinventé les racines orientales du Curlew River de Britten, ouvrage à la croisée des chemins basé sur une pièce de théâtre Nô mais à l’atmosphère tout aussi chrétienne, mélangeant une orchestration de type Gagaku aux psalmodies de plain-chant pour cette parabole façon mystère médiéval narrant la traversée de la Rivière aux courlis d’une femme devenue folle suite à la disparition de son enfant, sous l’œil de moines voyageurs d’abord moqueurs puis progressivement ralliés à sa douleur.
Délaissant des codes orientaux souvent assez austères pour le profane, Guillaume Vincent, au Grand Théâtre de Dijon, recentre l’ouvrage sur le drame humain dans une approche de théâtre beaucoup plus classique, dans un décor au sol en larges plaques d’ardoise entourant les sept instrumentistes et le chef coincés dans une fosse réduite, et devant un tulle dévoilant rocher et structure métallique, permettant de surcroît grâce aux éclairages de dévoiler aux moments-clé quelques visions évocatrices : le vol de vrais vautours et d’un hibou grand-duc, un petit garçon encapuchonné faisant la roue ou disparaissant subitement en sautant à pieds joints dans un trou.
Sans atteindre à l’évidence stylistique d’Olivier Py, le spectacle n’en demeure pas moins une proposition valable dans l’univers des possibles ouvert par cet ouvrage riche en options. D’autant que la partie musicale tire dans le même sens, avec la direction en lignes très horizontales de Nicolas Chesnau, exaltant un véritable contrepoint, amoindrissant l’impact vertical des dissonances au profit d’un continuum sonore hypnotique, d’une ineffable douceur – une flûte opalescente de toute beauté. Il est jusqu’aux crescendi rythmiques de la percussion, d’un solfège très rigoureux, de chercher une vision propre tournant le dos à toute imitation du véritable Gagaku.
La distribution porte haut la déclamation si typique du compositeur, équivalent en Angleterre du génie de Debussy en France. Si le petit chœur, exclusivement masculin, se débrouille au mieux de la métrique grégorienne dans une acoustique peu réverbérée et affiche une belle unité sinon une parfaite synchronisation, le plateau est dominé par deux ténors épigones parfaits de Peter Pears : la Folle de James Oxley, au registre supérieur pourvu de la même facilité à alléger sans détimbrer, et le Voyageur au grave étonnant de mimétisme de Johnny Herford, tous deux d’une classe absolue. Quant au Passeur de Benjamin Bevan, d’abord presque surdimensionné pour un ouvrage aussi chambriste, il laisse entrevoir une voix de tête parfaitement taillée pour les nuances plus ténues du milieu du rôle.
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