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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre Paris sous la direction de Daniel Harding, avec la participation de la violoniste Isabelle Faust à la Philharmonie de Paris.
À l’image de la vie
Nouveau directeur musical de l’Orchestre de Paris dès la saison prochaine, Daniel Harding, se distingue dans deux œuvres aux liens de cœur. Après l’intense charge émotionnelle du Concerto pour violon de Berg ressuscité par Isabelle Faust, applaudie par tout l’orchestre, la Symphonie n° 4 de Mahler nous a entraînés dans les découvertes de son univers.
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À la mémoire d’un ange… Ce titre, c’est Alban Berg qui l’a donné à son Concerto pour violon en le dédicaçant à la fille d’Alma Mahler, la jeune Manon Gropius morte des suites d’une poliomyélite à 18 ans. L’œuvre inspirée de tendre amour va vibrer de toute sa spiritualité sous l’archet d’Isabelle Faust. Née d’une harpe contemplative, la sonorité du Stradivarius (la Belle au Bois dormant, 1704) s’élève dans une immédiate ferveur. La plénitude de la sonorité impose une émotion d’emblée douloureuse. La grâce, la beauté de la jeune fille vivante évoquée dans le premier mouvement contiennent déjà la violence de son destin.
La longueur de l’archet, sa précision, sa puissance comme sa fragilité inflexible, ses fulgurances chantent l’émerveillement de l’existence ou déchaîne une exubérance proche de la fureur sur le rythme des cuivres sans cesser d’être bouleversants. Comme si l’ombre de la mort se profilait sur les joies et les promesses d’une adolescence heureuse. Entre la soliste et l’Orchestre de Paris sous la direction de Daniel Harding, l’expressivité fusionnelle exalte la profondeur de ce lyrisme d’autant plus admirable qu’il émane d’une écriture dont on oublie les difficultés dodécaphoniques.
Catastrophe de la mort. Immédiatement tragique, jailli de l’orchestre où il se fondait, le violon soliste affronte la fatalité du second mouvement. Quelle souffrance et quelle dignité dans les cordes déchirées, les attaques charnellement brutales ! Entourée des cors, d’une présence poignante en ses reprises dramatiques avec les vents et la percussion, Isabelle Faust monte un chemin de croix fascinant. Apothéose d’un tutti orchestral dont les contrebasses placées derrière l’orchestre face au chef et à nous soulignent la tragédie endurée par ce violon qui jamais ne se perd, sublime.
Et retrouve la paix après l’agonie et l’adieu, chœur des bois et soliste unis dans la transposition du choral de Bach Es ist genug et son espérance victorieuse de la mort. Nous laissant dans la pureté du son effilé, l’aigu tenu comme pour l’éternité. Sur la vie et la fin de cette jeune fille, quel plus bel enchaînement que l’élan vital de la Quatrième Symphonie de Mahler ? De l’enfance au Paradis, la plus courte et la plus légère des symphonies du compositeur déroule un parcours dont Harding fouille la simplicité revendiquée pour mieux la souligner de ses antagonismes.
Le climat alpestre et souriant du premier mouvement se pare de couleurs subtilement nuancées par des pupitres que leur disposition personnalise. À commencer par ces contrebasses dont les sonorités profondes prennent toute leur importance, tel un fond, un miroir aussi parfois aux jeux des bois juste derrière les violoncelles, flûtes heureuses sur leur gravité. Mais ce climat se complait peu de temps dans sa fraîcheur. La stridence d’un appel de trompettes rompt la quiétude. L’énergie incisive se juxtapose à l’insouciance. Aux contradictions fusionnelles de tranquillité et d’aspérités, Daniel Harding et ses musiciens prêtent une ambigüité passionnante, le doute savamment voilé de moquerie.
Violon solo, Roland Daugareil impose la macabre ironie d’une danse incertaine. Climat étrange, moqueur ou sinistre on ne sait, mais prenant d’un deuxième mouvement Modéré, sans hâte, avant l’Adagio où l’orchestre semble chanter de toute son âme. Engagement absolu, percussion troublante, élévation et profondeur des cordes, sérénité visionnaire toutes voix confondues, retour à la légèreté, vivacité, allégresse et paradoxe de reprises rageuses – et l’annonce impressionnante d’un destin en suspens.
Le Paradis atteint que Christina Landshamer évoque avec la joie requise. Innocence du jardin céleste, mets goûteux à profusion, « les voix des anges excitent les sens » et nous ravissent, fraîcheur retrouvée dans ce lied du Knaben Wunderhorn composé quelques années auparavant et bonheur pour tous, sur terre comme au ciel !
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Philharmonie, Paris Le 18/05/2016 Claude HELLEU |
| Concert de l’Orchestre Paris sous la direction de Daniel Harding, avec la participation de la violoniste Isabelle Faust à la Philharmonie de Paris. | Alban Berg (1885-1935)
Concerto pour violon « À la mémoire d’un ange »
Isabelle Faust, violon
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 4 en sol majeur
Orchestre de Paris
Christina Landshamer, soprano
direction : Daniel Harding | |
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