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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Concert de l’Orchestre national de France sous la direction de Daniele Gatti, avec la participation du ténor Jonas Kaufmann au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

Intermède de luxe
© Silvia Lelli

Entre deux représentations de Tristan et Isolde au Théâtre des Champs-Élysées, Daniele Gatti propose un programme thématique largement inspirée par l'œuvre de Wagner avec Jonas Kaufmann jouant les invités de luxe dans des Wesendonck-Lieder aussi brefs qu'étonnants suivis par une remarquable Septième Symphonie de Bruckner.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 19/05/2016
David VERDIER
 



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  • Déjà présent dans le programme que Daniele Gatti donnait le mois précédent à Amsterdam, le poème symphonique Orphée de Liszt sert d'introduction à cette soirée au Théâtre des Champs-Élysées. Les langueurs évanescentes n'ont pas le moelleux confortable qu'on entendait avec le Concertgebouw, l'accent porte davantage ici sur les enchaînements de cellules narratives que sur la suspension éthérée. Remplissant la tâche délicate de débuter une soirée, la pièce permet de roder les cuivres et sans trop exposer les autres pupitres en prévision des sommets symphoniques à venir.

    La simple présence de Jonas Kaufmann suffit à transformer en soirée de gala un programme orchestral intercalé entre deux représentations de Tristan au TCE. Si les plus fanatiques aurait pu y voir l'annonce d'une prise de rôle aussi attendue que redoutée, les autres se réjouissaient simplement à l'idée d'entendre le ténor allemand faire une infidélité d'un soir au rôle de Walther von Stolzing dans de prometteurs Meistersinger munichois.

    Dédiés par tradition à une voix féminine, le cycle des Wesendonck-Lieder rend hommage à la liaison adultère née sur les bords du lac de Zurich entre le compositeur et la femme de son protecteur et mécène, Mathilde Wesendonck. L'œuvre figurait déjà au programme d'un enregistrement récent de Jonas Kaufmann avec la Deutsche Oper Berlin placée sous la baguette de Donald Runnicles. Au-delà de l'inédit et de l'insolite, l'oreille retiendra la plasticité étonnante de la voix à se mouvoir dans la largeur harmonique de la réorchestration signée Felix Mottl.

    Pris à froid et visiblement sans préparation, Der Engel pose un évident problème à Kaufmann. Aigus au débotté, sons détimbrés et émission tâtonnante émaillent ce début de programme. On le retrouve visiblement plus à l'aise dans les registres moins exposés de Im Treibhaus et Schmerzen, retrouvant à l'occasion un timbre à la saveur et à la carnation veloutée. Impossible d'oublier l'écrin quasi-impressionniste de la direction de Daniele Gatti, les cordes du National effleurant avec une grâce aérienne la surface des notes dans Traüme. À peine vingt minutes suffisent à Jonas Kaufmann pour mettre la salle à genoux, avant-goût du concert qui sera donné le 23 juin ici même avec Daniele Gatti les Wiener Philharmoniker.

    Ce mandat qui s'achève à la tête de l'Orchestre national de France aura privilégié parmi les grands symphonistes Mahler à Bruckner. Offrant au premier une intégrale sur deux saisons, Gatti n'aura dirigé qu'une Quatrième en 2014 avant cette Septième Symphonie. Une grève des personnels ayant rendu impossible le montage de la conque d'orchestre, c'est dans des conditions acoustiques délicates que se présente l'effectif rassemblé à même la scène, sans estrade.

    L'inspiration wagnérienne plane irrésistiblement sur cette symphonie dont une légende tenace rappelle que l'Adagio aurait été inspiré à Bruckner en apprenant le décès du maître de Bayreuth. C'est ce mouvement lent qui semble ce soir le plus inspiré et le plus cohérent ; en témoignent ces répétitions circulaires et obsédantes qui transforment le thème initial jusqu'au climax scintillant.

    La matière sonore des contrebasses n'ayant pas le mordant et l'impact qu'aurait offert une autre disposition, la verticalité abrupte des élévations de l'Allegro n'ont pas le vertige espéré mais on admire la manière dont le chef place à l'intérieur même du son la puissance libératrice des dynamiques. Ce Bruckner n'est ni hédoniste, ni complaisant ; ce qui conduit à une structure rythmique moins articulée et basée avant tout sur la matière. De belles promesses en prévision d'une très attendue Huitième, qui sera donnée à l'auditorium de la Maison de la Radio le 2 juin prochain.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 19/05/2016
    David VERDIER

    Concert de l’Orchestre national de France sous la direction de Daniele Gatti, avec la participation du ténor Jonas Kaufmann au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
    Franz Liszt (1811-1886)
    Orpheus, poème symphonique
    Richard Wagner (1813-1883)
    Wesendonck-Lieder
    Poèmes de Mathilde Wesendonck
    Jonas Kaufmann, ténor
    Anton Bruckner (1824-1896)
    Symphonie n° 7 en mi majeur
    Orchestre national de France
    direction : Daniele Gatti

     


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