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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 novembre 2024 |
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Création d'Héloïse et Abélard d'Ahmed Essyad à la Filature de Mulhouse.
Un amour illisible
Héloïse et Abélard d'Ahmed Essyad était l'une des créations attendue de cette rentrée. Initialement programmée à l'Opéra du Rhin, l'oeuvre a été créée à la Filature de Mulhouse faute d'avoir été livrée à temps. Le manque de répétition explique sans doute que le spectacle n'ait pas atteint son but : la mise en abîme d'un texte littéraire.
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Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
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En faisant appel à Bernard Noël — auteur du sulfureux Château de Cène- pour la rédaction du livret, Ahmed Essyad posait son Héloïse sur un socle on ne peut plus solide : le mythe de l'amour contrarié, triomphant malgré tout de l'obscurantisme ambiant. Ici, il est de plus enrichit du fait historique, avec ce que cela suppose de parti pris "politique" : Héloïse et Abélard, deux "libres penseurs" face aux institutions du XIIe siècle, deux amants luttant contre un oncle tuteur qui fera finalement castrer, au nom de la morale et des institutions, celui qui n'est finalement qu'un simple rival.
Difficile de trouver meilleure thématique pour un opéra. Sur le papier d'ailleurs, tout promettait le chef-d'oeuvre : un texte solide, une mise en scène signée par Stanislas Nordey et des décors indiscutablement photogéniques. Pourtant l'opéra, dans sa forme et sa réalisation actuelle, reste critiquable. Le texte musical n'est pas, en soi, problématique : rythmes haletants, scansion permanente, on songe aux musiques populaires (Ahmed Essyad évoque les musiques berbères) ou à une sorte de rap qui aurait cherché son salut à l'ombre de Schoenberg. Les couleurs orchestrales, quoique clairement travaillées, ne nourrissent guère l'imagination comme si la mise en abîme du texte de Bernard Noël était seule à l'ordre du jour. Encore une fois, le fait que la musique serve d'éclairage ou s'inscrive en contrepoint du texte littéraire se défend parfaitement. Mais ici, l'objet éclairé se dérobe trop souvent, rendant l'ensemble du spectacle incompréhensible.
Les bonnes idées, pourtant, sont nombreuses, telle l'utilisation sur scène d'un septuor instrumental (très remarquable ensemble du Conservatoire de Strasbourg) qui encadre la narration, rythme le déroulement du spectacle et définit un angle de lecture assez brechtien. On retrouve d'ailleurs cette référence dans le personnage de la chanteuse — qui annonce l'action comme le fait le narrateur de l'opéra de 4 sous — et dans la mise en scène — l'utilisation d'un Choeur en costumes modernes qui incarne des personnages extérieurs à l'opéra proprement dit.
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Cette mise en scène, d'ailleurs, ne manque pas d'imagination et de références : le bureau d'Abélard est un point central autour duquel l'action du premier acte va se jouer. Si l'idée a déjà été exploitée par Peter Greenaway en 1992 —Darwin, théorie de l'évolution — elle fonctionne parfaitement ici. De même l'exploitation d'un décor mobile permet une métaphore habile sur les personnages : l'envers du décor devient une réalité palpable tout comme la duplicité de Fulbert dans le deuxième acte.
Mais tout cela ne suffit pas à compenser une direction d'acteurs réduite à la gestion des déplacements — la chanteuse, par exemple, se contente de faire les cent pas, une main dans la poche — et un mauvais équilibre du plateau, ni à faire oublier une écriture vocale qui, pour des raisons de symbolisme évident (l'oncle Fulbert, haute-contre, est une parfaite figure de l'hystérie, tout en évoquant le côté artificiel du pouvoir), exploite des tessitures qui posent aux chanteurs de sérieux problèmes pour faire entendre leur texte. Il est très surprenant que l'ensemble des artistes ayant participé à cette création se soient contentés d'un résultat aussi peu lisible : sans doute une première création peut avoir quelques faiblesses et un tel spectacle est-il perfectible. En tout état de cause, les problèmes d'élocution qui, ce soir-là , ont touché tous les chanteurs auraient dû conduire à l'utilisation d'un surtitrage, afin de rendre le spectacle tout simplement compréhensible.
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La Filature / Opéra du Rhin, Mulhouse Le 06/10/2000 Mathias HEIZMANN |
| Création d'Héloïse et Abélard d'Ahmed Essyad à la Filature de Mulhouse. | Héloïse et Abélard, opéra en trois actes d'Ahmed Essyad, livret de Bernard Noël. Commande Opéra du Rhin — Musica. Création Mondiale le 6 octobre à Mulhouse. Reprise le 8 octobre à Mulhouse, le 16, 19 et 22 mai au Théâtre Musical du Châtelet.
Choeurs de l'Opéra du Rhin
Orchestre philharmonique de Strasbourg
Septuor du Conservatoire de Strasbourg
Direction musicale : GĂĽnter Neuhold
Conseillère musicale : Dominique My
Mise en scène Stanislas : Nordey
Décors et Scénographie : Emmanuel Clolus
Costumes : Raoul Fernandez
Lumières : Philippe Berthomé | |
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