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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Dame de pique de Tchaïkovski dans une mise en scène de Stefan Herheim et sous la direction de Mariss Jansons l’Opéra d’Amsterdam.
Jansons roi de cœur
Pour sa dernière apparition en fosse avec l’Orchestre Royal du Concertgebouw, Mariss Jansons choisit la Dame de Pique et retrouve le metteur en scène Stefan Herheim avec lequel il avait déjà collaboré en 2011 pour Eugène Onéguine. Sa direction passionne et exalte une distribution de grande qualité, limitée par une mise en scène basée sur le compositeur en pleine création de son opéra.
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Déjà dans les Maîtres chanteurs, le Norvégien Stefan Herheim avait utilisé le personnage principal, Hans Sachs, pour en faire un Wagner en pleine période de composition. Il réitère l’idée du créateur à l’intérieur de son propre opéra avec la Dame de pique, au risque de passer à côté des enjeux du livret et de la nouvelle. Le Prince Yeletski est donc Tchaïkovski, allongé sur Hermann à l’ouverture de rideau et prêt à payer ce dernier lorsqu’il le quitte. Puis entre un chœur d’hommes tous habillés du même costume gris, qui lui apportent un verre avec lequel il s’empoisonne et meurt.
On pense alors qu’Herheim va proposer autour de l’avant-dernier opéra du maître, écrit à Rome trois ans avant sa mort, une véritable réflexion sur son homosexualité ; choisir entre les options possibles de son suicide, décidé ou forcé ; apporter des ouvertures sur son rapport aux femmes et principalement à celle avec qui il est marié depuis 1877 et à sa mécène Nadejda von Meck, par l’intermédiaire des personnages de Lisa et la Comtesse. Ce rendu aurait pu exister avec Hermann devenu Tchaïkovski, prenant un risque avec les hommes comme le héros de Pouchkine en prend un avec les cartes.
Mais rien de tout cela n’est traité car la réflexion ne porte que sur un geste, le procédé de composition, où Yeletski-Tchaïkovski omniprésent pendant trois heures accompagne de larges mouvements de bras chaque ensemble de chœur, au piano chaque solo, dont seul la romance de Paulina fonctionne, et meurt plusieurs fois sur scène. Pendant les passages liturgiques apparaissent des Saint-Sébastien transpercés de plumes d’encre, deux perruches disparaissent de leur cage au II pour réapparaître sous des traits de Daphnis et Chloé, rappelant le lien entre l’œuvre et la Flûte enchantée, même si les deux pièces de Mozart explicitement citées sont le Concerto KV 503 et la Sonate KV 388, et que Tchaïkovski a écrit être redevable à Don Giovanni pour la dramaturgie de l’ouvrage.
Si ce travail montrait moins de lourdeur dans la gestuelle et s’amplifiait à mesure que l’action avance, cela pourrait compenser l’absence de rapport avec le livret, mais l’idée comprise dès la première minute s’enlise jusqu’à ne laisser aux deux dernières scènes que jets de partitions et massives scènes d’ensemble, toutes déconnectées du texte… Après tout, qui dans la salle comprend le russe ? Les chanteurs pour la plupart, à commencer par le passionnant Tomski d’Alexeï Markov, ténébreux dans ses mises en garde sur les trois cartes et puissant dans les graves.
Misha Didyk également, qui nous a habitués à son Hermann musical, sans pour autant développer ce surplus de charisme qu’on connaît chez les plus grands, peu aidé dans cette production faisant de lui un rôle secondaire. Svetlana Aksenova aussi, belle Lisa à la projection ample et à l’intéressant bas-médium. Andreï Popov et Andrii Goniukov complètent avec brio cette distribution slave, laissant une place de choix à la Comtesse de Larissa Diadkova, courte en souffle mais toujours émouvante dans l’air français emprunté à Grétry, surtout dans son da capo.
Mariss Jansons exalte la partition d’orchestre par une direction alliant les sonorités russes à la lumière du Concertgebouw. L’équilibre laisse ressortir les instruments graves des cordes et des bois, magnifiant les parties de violoncelles et contrebasses et donnant une splendide ampleur à la Ballade de Tomski puis au bouleversant air d’Hermann au I, d’une finesse en contraste avec la proposition scénique. Le final touche tout autant par sa dynamique et son intelligence, et laisse espérer encore d’autres apparitions en fosse du roi de cette soirée.
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Muziektheater, Amsterdam Le 18/06/2016 Vincent GUILLEMIN |
| Nouvelle production de la Dame de pique de Tchaïkovski dans une mise en scène de Stefan Herheim et sous la direction de Mariss Jansons l’Opéra d’Amsterdam. | Piotr Ilich Tchaikovski (1840-1893)
La Dame de Pique, opéra en trois actes (1890)
Livret de Modest Tchaikovski d’après la nouvelle de Pouchkine
Chœur d’Enfants du Novueau Amsterdam
Chœur du Nationale Opera
Orchestre du Royal Concertgebouw
direction : Mariss Jansons
mise en scène : Stefan Herheim
décors & costumes : Philipp Fürhofer
Ă©clairages : Bernd Purkrabek
préparation des chœurs : Ching-Lien Wu
Avec :
Misha Didyk (Hermann), Alexeï Markov (Comte Tomski / Plutus), Vladimir Stoyanov (Prince Yeletski), Larissa Diadkova (Comptesse), Andreï Popov (Tchekalinski), Andrii Goniukov (Sourine), Mikhail Makarov (Tchaplitski), Anatoli Sivko (Naroumov), Svetlana Aksenova (Lisa), Anna Goryachova (Paulina / Daphnis), Olga Savova (Gouvernante), Maria Fiselier (Masha), Pelageya Kurennaya (Chloé). | |
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