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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Così fan tutte de Mozart dans une mise en scène de Christophe Honoré et sous la direction de Louis Langrée au festival d'Aix-en-Provence 2016.
Aix 2016 (1) :
Ma che Così ?
Pari risqué et bien moins iconoclaste qu'annoncé dans le livret de présentation, ce Così de Christophe Honoré n'atteint pas le succès de ses Carmélites et son Pelléas. L'Erythrée sous le régime fasciste italien sert de décor à une thèse humaniste assénée. Ni le plateau, ni la direction de Louis Langrée ne soulèvent l'enthousiasme.
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Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence
Le 13/07/2016
David VERDIER
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Transposer Così dans l’Erythrée fasciste, pourquoi pas ? L'intention de Christophe Honoré dans le livret de présentation était de susciter « une réaction de rejet a priori ». On est ici face à des situations où le désir masculin se mue en pulsion primaire et animale tandis que se pose la question du regard sur l'autre (en l'occurrence le Noir, le colonisé). On ne peut que saluer cette intention de présenter Così sans le fard et les contours mozartiens. Dimensionnée à l'aune d'une comédie de mœurs, cruelle autant qu'impudique dans ses intentions, l'œuvre prouve qu'elle peut se combiner à une approche serioso et politiquement incorrecte.
Malheureusement, les bonnes intentions du livret de présentation ne se transforment pas pour autant en bonnes idées de mise en scène. L'ensemble pâtit d'une mollesse de réflexion et d'une morale aux forceps qui finit par lasser le plus résistant des humanistes. Résumons : le régime mussolinien fait régner en Erythrée une dictature politique autant que sexuelle et raciste. La soldatesque traite la population locale comme une humanité inférieure qu'il s'agit de torturer et violer comme bon lui semble. Ce fascisme italien montré sous son jour le plus abject se double du racisme ordinaire de Dorabella et Fiordiligi, midinettes au cœur d'artichaut qui vont découvrir leurs sentiments pour ces « Albanais ».
Le jeu cruel que propose Don Alfonso ne consiste pas simplement à grimer Ferrando et Guglielmo de telle sorte à ce qu'ils ne soient plus reconnaissables par leur fiancées ; le déguisement est poussé à la perfection et substitue une couleur de peau à une autre. Déjà assez vulgaires dans leur attachement initial, les deux femmes semblent jouir de l'opportunité de la situation sans autre forme de réflexion et de maturité que la naïve excitation des sens qui les traversent délicieusement. Cette lecture impose à l'œuvre un carcan relativement simpliste, soulignant lourdement le double adage Così fan tutte et Così fan tutti.
Le Freiburger Barokorchester a tout pour séduire, à commencer par des cuivres impeccables et des cordes pulpeuses. Malgré cela, le morcellement de la ligne musicale par un Louis Langrée aux confins de la sècheresse et du pointillisme conduit l'entreprise à une forme d'enterrement de première classe.
Le plateau très moyen doit se satisfaire d'une Lenneke Ruiten (Fiordiligi) correcte mais sans éclat, suivie par une Kate Lindsay (Dorabella) qui savonne son Smanie implacabili et ne parvient pas vraiment à séduire. Joel Prieto est un Ferrando à l'émission sommaire et anecdotique, dont la banalité semble contaminer l'expression de Nahuel di Pierro (Guglielmo) qu'on a connu en meilleure forme. Le Don Alfonso élimé de Rod Gilfry secoue les souvenirs de son Don Giovanni pour faire oublier l'absence de caractérisation de son Don Alfonso. La Despina sur pointes de Sandrine Piau affirme une présence en scène étourdissante qui parvient tant bien que mal à faire oublier les acidités de l'aigu et la minceur du grave.
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