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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de l’Amour de Danaé de Strauss dans une mise en scène d’Alvis Hermanis et sous la direction de Franz Welser-Möst au festival de Salzbourg 2016.
Salzbourg 2016 (2) :
Pluie de plomb sur Danaé
Donné pour la deuxième fois à Salzbourg en quatorze ans, l’Amour de Danaé, ultime opéra de Richard Strauss créé in loco trois ans après sa mort, devra se contenter, en guise de ruissellement d’or, de la pluie de plomb du conservateur Alvis Hermanis. Heureusement, les Wiener scintillent en fosse, soutenant un plateau solide à défaut d’être transcendant.
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L’édition 2016 de Salzbourg, toujours en transition suite au départ anticipé d’Alexander Pereira pour la Scala, assume le service minimum au niveau lyrique, avec la reprise de la trilogie Mozart-Da Ponte de Sven-Eric Bechtolf, la co-production de l’Ange exterminateur de Thomas Adès, et ce seul Amour de Danaé pour ce qui est du génome du festival, West Side Story et le Faust de Gounod n’étant en rien représentatifs de la manifestation autrichienne.
En ce qui concerne Strauss, on s’étonnera juste d’une nouvelle production du rare et à vrai dire secondaire Liebe der Danae, créé in loco en 1952 et donné à nouveau pour le cinquantenaire il y a quatorze ans, alors que Salzbourg n’a plus affiché Salomé depuis 1993, pour ne rien dire de pépites comme Daphné ou Arabella qui y auraient toute leur place, bien que la première n’y ait jamais été représentée, et la seconde plus depuis 1958.
Si encore un vrai projet scénique avait sous-tendu le retour de la princesse délaissant l’or pour l’amour, comme en 2002 dans le spectacle décalé de Günter Krämer ! Mais on reste pantois devant la mise en scène figurative, façon gentil Enlèvement au sérail, proposée par Alvis Hermanis, autrement inspiré dans les Soldats et Gawain, quoique tout aussi académique dans le Trouvère. Le Letton n’avait-il pas du reste revendiqué fin juillet dans un entretien au Standard « je suis conservateur, et fier de l’être » ?
Même si le livret assez alambiqué de Joseph Gregor indique que certains des créanciers venant réclamer leur dû à Pollux sont originaires de Syrie, on comprend mal la raison d’une transposition intégrale dans l’univers des Mille et une Nuits et le décor unique d’un palais en gradins carrelés couverts de tapis persans où chacun rivalise de hauteur de turban. Le tout dans une direction d’acteurs inexistante et un univers de conte naïf vaguement teinté de motifs Art Nouveau, avec force éléphant géant pour Jupiter, danseuses du ventre pour l’or de Midas, et un véritable petit âne pour la vie modeste choisie in fine par Danaé aux côtés du muletier.
Soit trois heures d’un spectacle transformant l’or en plomb, qui nous aura fait souvent lorgner du côté de la fosse où scintillent comme jamais les Wiener, pourtant sous la direction guère transcendante de Franz Welser-Möst, qui s’ébroue sans insuffler une vraie tension dramatique mais en modulant au moins la dynamique d’un ouvrage foisonnant. Ce que gère le mieux le chef autrichien reste les grands éclats à coup de machine à tonnerre et les plages suspendues sous la ligne vocale du rôle-titre, devant l’orfèvrerie d’une Philharmonie de Vienne aux cordes ensorceleuses, aux bois bucoliques, à la pâte orchestrale digne de la « mythologie joyeuse » du dernier Strauss.
Le plateau, un cran en dessous de la précédente production menée alors par Fabio Luisi, reste très correct. Si Gerhard Siegel offre à Midas un vilain timbre mais des aigus bétonnés parfois un peu bas, les deux autres ténors bénéficient de la présence de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Pollux obséquieux, vif-argent, et Norbert Ernst, Mercure façon David des Maîtres Chanteurs. N’était le souvenir de Franz Grundheber, le Jupiter de Tomasz Konieczny ferait plus d’effet encore à son entrée en scène, où ses aigus assénés avec une projection dépassant tous ses partenaires donnent d’emblée une belle impression d’autorité. Dès que la nuance retombe, le Polonais se replie en revanche sur une émission rentrée, avec un timbre rappelant celui d’un Kurt Moll, qui ne s’épanouit vraiment que sur les hauteurs déployées, dans la colère du roi des Dieux.
Chez les dames, la Xanthe de Regine Hangler joue à merveille le soprano léger sous anabolisants, face à la Danaé éthérée de Krassimira Stoyanova, legato soigné et aigus somnambuliques mais format parfois ténu pour un emploi qui sied mieux à des sopranos plus mordants, et surtout déclamation floue, privée de consonnes, donnant l’impression de vocaliser sans texte au-dessus d’une pâte orchestrale de rêve. Combien de fois a-t-on pensé ce soir qu’une Anne Schwanewilms eût été idéale pour cet ultime soprano straussien ?
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GroĂźes Festspielhaus, Salzburg Le 08/08/2016 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de l’Amour de Danaé de Strauss dans une mise en scène d’Alvis Hermanis et sous la direction de Franz Welser-Möst au festival de Salzbourg 2016. | Richard Strauss (1864-1949)
Die Liebe der Danae, heitere mythologie en trois actes op. 83
Livret de Joseph Gregor d’après une idée de Hugo von Hofmannsthal
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker
direction : Franz Welser-Möst
mise en scène et décors : Alvis Hermanis
costumes : Juozas Statkevičius
Ă©clairages : Gleb Filshtinsky
vidéos : Ineta Sipunova
chorégraphie : Alla Sigalova
préparation des chœurs : Ernst Raffelsberger
Avec :
Krassimira Stoyanova (Danae), Tomasz Konieczny (Jupiter), Norbert Ernst (Merkur), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Pollux), Regine Hangler (Xanthe), Gerhard Siegel (Midas), Pavel Kolgatin, Andi Früh, Ryan Speedo Green, Jongmin Park (Vier Könige), Mária Celeng (Semele), Olga Bezsmertna (Europa), Michaela Selinger (Alkmene), Jennifer Johnston (Leda). | |
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