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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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La Belle Maguelone de Brahms par Matthias Goerne accompagné au piano par Yuja Wang et le récitant Ulrich Matthes au festival de Salzbourg 2016.
Salzbourg 2016 (3) :
La belle Isolde
Belle Maguelone en demi-teinte au Mozarteum de Salzbourg par un Matthias Goerne bien épais et une Yuja Wang sans grand relief. Les transitions dites par Ulrich Matthes, résumé du récit de Tieck, ne suffisent pas vraiment à conférer un sentiment d’unité à une interprétation à notre sens survolée de ce difficile recueil brahmsien.
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Autant nous avions en 2012 relayé avec enthousiasme la Belle Maguelone préparée par Michael Volle et Thomas Quasthoff, autant nous resterons ce soir sur notre faim, malgré un savoir-faire incontestable de tous les artistes. On sait l’œuvre problématique : elle ne constitue pas à proprement parler un cycle, mais un recueil de mises en musique de quinze des dix-huit romances émaillant le récit de la Liebesgeschichte der schönen Magelone und des Grafen Peter von Provence de Ludwig Tieck parue en 1797.
Dieter Görne (le père de Matthias) a proposé ici une solution assez incontestable : entre chaque romance s’intercale un résumé de l’action qui donne la parole au personnage au moment du chant. C’est limpide, efficace, même si cela souligne la distance considérable que place le spectateur d’aujourd’hui entre l’œuvre littéraire et la musique de Brahms. On se surprend à un sourire condescendant à certaines naïvetés du récit, tandis qu’on écoute au garde-à -vous la sainte musique de Brahms.
C’est bien naturel, et c’est peut-être au fond ce que Brahms lui-même aurait souhaité, lui qui destina d’abord ces pages composées entre 1861 et 1869 à une interprétation abstraite, sans texte additionnel, allant jusqu’à affirmer dans une lettre de 1875 à son éditeur Breitkopf & Härtel « ma musique n’a que faire à présent de l’histoire d’amour de Pierre. » Il devait pourtant changer son fusil d’épaule et recommander par la suite une remise dans le contexte à l’aide de quelques extraits du récit de Tieck, peut-être en souvenir de ce touchant roman d’amour qu’il avait découvert à l’adolescence.
Peut-être aussi par un pragmatisme à l’épreuve des faits : le recueil est bien confus pour qui ne connaît pas l’histoire. Cette question reste aujourd’hui essentielle dans la manière d’aborder ces Lieder, entre autres parce qu’elle est caractéristique de la problématique du Lied brahmsien : le règne de la poésie tel qu’il était célébré par Schubert et Schumann y est bien enterré, quoique ce dernier ait pu voir en Brahms son héritier dans ce domaine.
Or l’optique musicale choisie par Goerne lorgne beaucoup (trop) vers cette conception de musique pure : amusé ici ou là par telle péripétie rocambolesque, lui-même nous ramène toujours à la rupture entre le récit, anecdotique, mignon, et la musique, sérieuse, emphatique. Pas tant par ses attitudes d’ailleurs que par son chant, dont on se demande ce qu’il y reste de l’enseignement de Schwarzkopf et Fischer-Dieskau.
Comme si à trop fréquenter Wagner, il se prenait pour Hans Hotter à la fin de sa carrière. N’ayant pas franchement les mêmes moyens, il semble vouloir en toute occasion faire du son, éclatant en accents héroïques, aboyant souvent au prix du legato, murmurant soudain sans plus aucune matière, comme si, affublé d’une voix énorme, il n’avait d’autre moyen de chanter piano que de détimbrer complètement, de nimber le noyau de la voix, pourtant loin d’être large, d’un brouillard de son blanc avalé.
Plus agaçant encore, et en quoi il nous fait penser au dernier Hotter pour qui nous avons par ailleurs une admiration sans borne, ce phrasé où n’émergent que de rares consonnes – impossible de saisir un traître mot sans le programme sous les yeux – et d’infernaux bruits de respiration. Ajoutons une gesticulation permanente et il nous semble que le choix est fait : nous sommes bien à un concert où Tieck aurait tout aussi bien pu ne pas se montrer.
Pour légitime que soit ce choix, il ne nous captive guère : à quoi bon ces incises de texte presque informatives ? Voilà ce qu’il se passait dans l’histoire à ce moment-là … Comment rendre alors la chose vivante ? Ce n’est pas l’accompagnement sans grande imagination de Yuja Wang qui va changer la donne, au rubato parcimonieux mais cabotin, malgré une assez admirable maîtrise de la nuance piano et quelques beaux moments de sobriété. Pas de quoi rivaliser avec Gerald Moore néanmoins : s’il ne prenait pas la parole, c’était pour la laisser au texte. Comme ici il n’y en a pas, on reste dans une routine à notre goût assez silencieuse.
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Mozarteum, Salzburg Le 09/08/2016 Thomas COUBRONNE |
| La Belle Maguelone de Brahms par Matthias Goerne accompagné au piano par Yuja Wang et le récitant Ulrich Matthes au festival de Salzbourg 2016. | Johannes Brahms (1833-1897)
Die schöne Magelone, op. 33
Textes de Ludwig Tieck
Matthias Goerne, baryton
Yuja Wang, piano
Ulrich Matthes, récitant | |
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