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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de musique de chambre des Wiener Philharmoniker dans le cadre du cycle la Philharmonie de Vienne et ses compositeurs au festival de Salzbourg 2016.
Salzbourg 2016 (4) :
Vienne transfigurée
Ambiance feutrée au Mozarteum de Salzbourg pour se plonger dans deux pièces maîtresses du répertoire chambriste postromantique. Aux côtés d’instrumentistes à cordes des Wiener réunis en quintette puis en sextuor, une heure et demie de musique viennoise à la croisée du romantisme et de la modernité, dans une exécution impeccable qui ferait rougir bien des formations officielles.
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De l’autre côté de la Salzach, en retrait des salles lyriques, le Mozarteum, conservatoire dédié au dieu Wolfgang, offre une vision beaucoup moins mondaine des Salzburger Festspiele, et permet de croiser enfin nombre de connaisseurs dans une jauge taillée pour l’intimité. Cette salle dorée, écrin de rêve pour le répertoire à effectif limité, permet d’ailleurs une bien meilleure interaction scène-public.
Depuis l’été dernier, Salzbourg a entamé un cycle autour des Wiener Philharmoniker et de leurs compositeurs, centré sur les œuvres que l’orchestre a données en création, la totalité des programmes symphoniques des Viennois devant entrer dans la thématique. Quatrième et Huitième Symphonie de Bruckner, Deuxième et Troisième de Brahms, aucune des premières qui ont fait l’histoire de la Démocratie des Rois ne manque à l’appel, quand bien même on regrettera que les ouvrages importants aient été confiés le plus souvent à des chefs de routine.
C’est pourquoi on a décidé de se concentrer sur ce concert hors des sentiers battus où des solistes du Philharmonique se sont regroupés en formation de chambre pour honorer deux partitions créées avec la participation de membres de l’orchestre. D’abord le Quintette de Bruckner, étrenné en 1881 par le Quatuor Winkler et Josef Schalk, grande figure historique de l’orchestre, puis la Nuit transfigurée de Schoenberg, donnée sur les fonds baptismaux en 1902 par le Quatuor Rosé complété de deux Wiener.
Notre seule crainte était d’avoir affaire à un groupe d’excellents musiciens individuels n’ayant pas le ciment des ensembles officiels même quand bien même certains pratiquent abondamment la musique de chambre. On sera rassuré d’emblée par la pâte sonore homogène confectionnée par ce quintette d’un soir. Dès le thème mouvant ouvrant le Quintette en fa de Bruckner, on sent une parfaite cohésion sous la houlette de l’un des Konzertmeister du Philharmonique, Volkhard Steude, habile violoniste meneur sans s’arroger pour autant la part belle.
Si certains ouvrages chambristes marginaux dans la production des compositeurs ne ressemblent guère à leur style habituel, tel le Quatuor de Verdi, le Quintette du maître de Saint-Florian est bien du Bruckner pur jus, avec ses progressions lentes fruits d’un dur labeur, ses ruptures harmoniques, son écriture en blocs et son exploration infinie des possibilités d’arpèges de l’accord parfait, et seulement un art viennois de l’ornementation qu’on ne lui connaît guère ailleurs.
Du Scherzo, vif, capricieux, les musiciens retranscrivent à merveille les variations incessantes d’humeur, les heurts, avec des coups d’archet déroutants mais qui évitent toute crispation sonore ou toute dureté. Des qualités qu’on retrouve dans le Finale, mouvement le moins inspiré quoique tenu d’une main ferme par nos chambristes.
Le sommet reste l’Adagio, magnifique de lyrisme quasi mystique, dans un tempo lent jamais englué, où la sonorité du violon II d’Alina Pinchas, un peu plus voilée que celle de son collègue au premier poste, fait des merveilles, particulièrement lorsque celui-ci épouse à l’octave ce timbre si viennois pour s’y fondre avec ductilité. Petit moment d’apesanteur, où les cordes graves, fines et présentes juste le nécessaire, donnent une leçon de sobriété dans une œuvre qui peut facilement dériver de pesanteur sous des archets moins experts.
Après l’entracte, on grimpe d’un niveau encore avec la Nuit transfigurée de Schoenberg, où un second violoncelle vient s’ajouter au quintette de la première partie. Il sera d’ailleurs le seul à dépareiller un peu le jeu collectif impressionnant de ses partenaires, surtout aux côtés d’un Peter Somodari digne de la légende des violoncelles des Wiener, lumineux, d’une juste tension dans la vitesse d’archet, d’une maîtrise absolue de l’art du vibrato et du glissando à point.
L’interprétation, exaltant les reflets lunaires du poème de Dehmel sur une grossesse adultérine, tend vers l’expression pure, pas une note en pilotage automatique, chaque pizz, chaque démanché à son acmé. Les cimes sont atteintes dans l’épisode Schwer betont, monument de tension d’un legato absolument divin. Immenses serviteurs de la musique décidément que ces instrumentistes viennois, qui ont en outre le goût de proposer en bis un arrangement pour sextuor, ressemblant fort à celui de Sebastian Gürtler, du prélude de Tristan.
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Mozarteum, Salzburg Le 13/08/2016 Yannick MILLON |
| Concert de musique de chambre des Wiener Philharmoniker dans le cadre du cycle la Philharmonie de Vienne et ses compositeurs au festival de Salzbourg 2016. | Anton Bruckner (1824-1896)
Quintette Ă cordes en fa majeur WAB 112
Arnold Schoenberg (1874-1951)
Sextuor à cordes op. 4, « la Nuit transfigurée »
Volkhard Steude, violon I
Alina Pinchas, violon II
Gerhard Marschner, alto I
Thomas Hajek, alto II
Peter Somodari, violoncelle
(Edison Pashko, violoncelle II) | |
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