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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de Tosca de Puccini dans la mise en scène de Pierre Audi, sous la direction de Dan Ettinger à l’Opéra de Paris.
Festival vocal
Comme en 2014, la discutable mise en scène signée Pierre Audi pour Tosca à l’Opéra Bastille est servie par une éclatante distribution. Trois stars dont au moins deux, Anja Harteros et Bryn Terfel, mettent tout leur talent et toute leur énergie à donner vie à leurs personnages. Avec l’énergique direction de Dan Ettinger, on en oublierait presque les défauts du spectacle.
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Faut-il revenir sur les absurdités d’une mise en scène qui en voulant multiplier les symboles finit par ne plus rien raconter du tout et s’enlise dans des partis pris inesthétiques, inutiles, qui compliquent la vie de tout le monde, chanteurs et spectateurs, à l’exception du II, très figuratif au premier degré ?
Cette chapelle de l’Atavanti qui est une crypte visiblement en coulisses, ce blockhaus sans doute avec la forme d’une croix qui ne doit se voir que des balcons et sur la base duquel Cavaradossi peint une fresque de femmes nues d’après un tableau de Bouguereau très adéquat dans une église italienne… et où Tosca parvient quand même à repérer les yeux de l’Atavanti dans ce foisonnement de seins et de croupes, cette terrasse du Château Saint-Ange aux curieux arbrisseaux et qui ne domine rien du tout, tout cela relève plutôt du fatras inutile que d’une vision enrichissante de l’œuvre.
Reste fort heureusement les chanteurs, ce qui, malgré toutes les tentatives de détournements tentées depuis pas mal d’années, demeure l’épine dorsale du spectacle d’opéra. Avec le talent adéquat, on n’est bien sûr pas obligé de donner Tosca en costumes Empire, mais l’œuvre existe d’abord par les voix qui racontent le mélodrame et l’incarnent, quelles que soient les images élaborées plus ou moins laborieusement par tel ou tel metteur en scène en mal d’originalité. Or donc, avec le trio concocté par Stéphane Lissner, l’essentiel était forcément sauvé, d’autant que le chef israélien Dan Ettinger a su faire sonner l’Orchestre de l’Opéra avec un lyrisme généreux et beaucoup de vaillance, sans oublier les indispensables subtilités d’une orchestration aussi complexe que riche.
Anja Harteros est l’une des stars du chant féminin actuel, reine de Munich et de Salzbourg notamment, très rare à Paris et à l’Opéra pour la première fois dans un grand rôle mis en scène, son apparition en Eva des Maîtres chanteurs en concert sur cette même scène en 2003 ayant cependant marqué les mémoires. La femme est belle, la tragédienne très investie et convaincante, le geste noble et ample, théâtral à souhait pour une diva italienne, la voix parfaitement musicale, maîtrisée, homogène, des aigus au médium, ce dernier juste ponctuellement un peu à la peine.
Une superbe Tosca, à laquelle on croit, qui émeut, même si, pour jouer les grincheux, on peut dans ce rôle préférer, une voix plus à l’italienne, aux couleurs plus ensoleillées, voire plus variées. Même la célèbre prière peut n’être pas uniquement une supplication, mais se teinter de colère, de rancœur, face à ce Dieu si peu reconnaissant. Certaines illustres interprètes du passé ou même du présent ont su ou savent rendre cette nuance conforme au violent caractère de l’héroïne, certes pieuse mais qui n’a pas froid aux yeux, vu les nombreux coups de couteau dont elle larde Scarpia.
On connaît bien le Mario de Marcello Alvarez, sa vaillance vocale. Il tente ici de composer un personnage aussi flamboyant que celui de sa partenaire. Pari en partie réussi. On est séduit par la richesse de ce timbre généreux, de cette émission sans problèmes, même si un Jonas Kaufmann qu’il est impossible de ne pas prendre en référence, nous a habitués à des subtilités et des nuances que personne d’autre que lui ne sait apporter aux deux airs du ténor. Mais ne soyons pas mesquin, Alvarez est un très beau Mario qui complète à merveille ce trio vocal parachevé par Bryn Terfel.
Avec ce dernier, on ne sait jamais s’il faut louer d’abord l’acteur ou le chanteur. Il existe des Scarpia au timbre plus sombre, mais personne ne rend le texte dans la musique avec cette précision, cette intelligence, cette projection. Et puis, quel Scarpia terrifiant, suant le vice, la perversité, le regard lubrique, toujours en éveil, absolument terrifiant ! Une immense interprétation.
Les autres rôles sont tous tenus avec force, de l’Angelotti d’Alexander Tsymbalyuk au Sacristain de Francis Dudziak. Excellente tenue des Chœurs et de la Maîtrise, et l’on a déjà mentionné à quel point l’orchestre avait répondu de manière grandiose à toutes les intentions du chef. Triomphe et acclamations car il était bien difficile de ne pas avoir une forte montée d’adrénaline avec des chanteurs pareils.
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Opéra Bastille, Paris Le 20/09/2016 Gérard MANNONI |
| Reprise de Tosca de Puccini dans la mise en scène de Pierre Audi, sous la direction de Dan Ettinger à l’Opéra de Paris. | Giacomo Puccini (1858-1924)
Tosca, melodramma en trois actes (1900)
Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après Victorien Sardou
Maîtrise des Hauts-de-Seine-Chœurs d’enfants de l’Opéra national de Paris
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Dan Ettinger
mise en scène : Pierre Audi
décors : Christof Hetzer
costumes : Robby Duiveman
Ă©clairages : Jean Kalman
préparation des chœurs : José Luis Basso
Avec :
Anja Harteros (Floria Rosca), Marcelo Alvarez (Mario Cavaradossi), Bryn Terfel (Il barone Scarpia), Alexander Tsymbalyuk (Cesare Angelotti), Francis Dudziak (Il Sagrestano), Carlo Bosi (Sopletta), André Heyboer (Sciarrone), Pierpaolo Palloni (Un Carceriere). | |
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