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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Samson et Dalila de Saint-Saëns dans une mise en scène de Damiano Michieletto et sous la direction de Philippe Jordan à l’Opéra de Paris.
Avantage Ă la Philistine
Les sujets bibliques à l’opéra sont rares. À l’Opéra Bastille, dans une mise en scène pleine de mouvements, celui de l’opéra de Sains-Saëns se révèle éternellement contemporain, porté par une voix à laquelle nul homme ne saurait résister. Anita Rachvelishvili triomphe de Samson comme du public, entourée de musiciens heureux de révéler cette partition.
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« Dalila ! Dalila ! Je t’aime ! » On comprend que les décibels mis à hurler ces mots par Samson, le valeureux Hébreu élu de Dieu dangereusement séduit par la Philistine ennemie, ne change pas la détermination assassine de celle-ci. Au cœur de l’opéra de Saint-Saëns, la magnifique scène d’amour que la tentatrice fatale a organisée avec le grand prêtre de Dagon pour captiver Samson et lui arracher le secret de sa force, porte ses interprètes à leur extrême : elle, Anita Rachvelishvili, vocalement somptueuse, lui, Aleksandrs Antonenko, confondant passion et vociférations.
Sous la direction éclairée du directeur musical de l’Opéra, la nouvelle production de Samson et Dalila (coproduite avec le Met), permet de découvrir l’ouvrage lyrique le plus connu des douze que composa Saint-Saëns, encore que son sujet religieux a longtemps effrayé les directeurs de théâtre. Opéra biblique, pensé tout d’abord comme un oratorio, il n’avait pas eu les honneurs de la scène depuis plus de vingt-cinq ans.
Philippe Jordan revendique son coup de foudre pour l’œuvre et son désir de rendre à son auteur, « coloriste exceptionnel et mélodiste doué d’une invention incessante », la place qu’il doit occuper dans l’histoire de la musique. Les musiciens de l’Orchestre et le Chœur y réussissent au mieux, artisans d’un climat dramatique foisonnant de contrastes. Forme oratorio, déchaînements lyriques, finesses minimalistes, chorals efficacement différenciés séduisent de leur diversité.
Sur le plateau, la réussite est moins évidente. Dans un style sagement convenu et tentant vu l’actualité, Damiano Michieletto situe de nos jours la célèbre lutte entre opprimés et oppresseurs. Vêtements misérables pour les premiers, complets veston et cravate pour les seconds, kalachnikovs de rigueur, quelques déshabillages et nudités incongrus mais à la mode, sur deux niveaux se situent en haut les riches, en bas les pauvres.
À la tête de ceux-ci, Hébreux asservis, Samson accablé se tord de douleur avant de les galvaniser sur le même ton fortissimo. La véhémence du ténor ne faillira pas un instant, quels que soient les périples de son parcours et quoi qu’il chante, d’où quelques aigus incertains à la fin. Ses cheveux coupés, sa force perdue, loque humaine emprisonnée, il n’émouvra pas davantage. L’excès de ses attitudes leur ôte toute humanité.
Le Grand Prêtre des Philistins, Egils Silins, se montre d’une même et juste uniformité vocale dans ses malédictions. Du moins sont-elles moins criées. Mais la brutalité de sa complicité avec Dalila, dans la chambre où celle-ci attend Samson, enlève tout érotisme aux intentions du metteur en scène. L’importance du décor prime sur la direction d’acteurs et celle-ci concerne davantage les gestes des protagonistes que leurs expressions. Ainsi Hébreux et Philistins ne se différencient guère dans les scènes de combat, tant les mouvements s’y ressemblent mais occupent bien tout le plateau.
La célèbre bacchanale donne lieu à une grande agitation. La foule se déguise et court dans tous les sens pendant que du haut de son balcon le Grand Prêtre lui jette billets ou croutons de pain. Heureusement, la musique y tient lieu de chorégraphie. Seule l’explosion incendiaire de la fin s’impose, éblouissante, Samson retrouvant sa force pour allumer le feu sur l’alcool répandu par Dalila revenue vers lui.
Anita Rachvelishvili a su rendre perceptible l’ambigüité de ses sentiments. On sait la puissance, la richesse, la souplesse, l’aisance de la mezzo-soprano. Femme capiteuse d’un autre genre après sa Carmen, elle domine la scène autant que les hommes qu’elle contribuera à tous anéantir.
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