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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d’Une Nuit à Venise de Johann Strauss II dans une mise en scène de Peter Langdal et sous la direction de Daniele Rustioni à l’Opéra de Lyon.
Et le rideau se débloqua…
Malgré une mise en scène amusante et une réécriture intelligente des textes parlés par Peter Langdal, Une Nuit à Venise de Johann Strauss donné à l’Opéra de Lyon pour les fêtes de fin d’année ne parvient pas à faire oublier un livret bancal, toutefois bien porté par les interprètes de la soirée et par le prochain directeur musical du lieu, Daniele Rustioni.
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Le succès de la Chauve-Souris s’effaçait suite à plusieurs déconvenues et il fallait un nouveau livret au plus grand compositeur de valses en ce début des années 1880. Malheureusement pour lui, les deux librettistes Friedrich Zell et Richard Genée avait deux propositions mais ont favorisé Millöcker pour la meilleure, Der Bettelstudent (l’Étudiant pauvre) qui le fera triompher, laissant à Johann Strauss le second essai, improbable bric-à -brac (pour reprendre ces propres termes) autour de multiples histoires d’amours vénitiennes.
Strauss n’aura pourtant pas manqué de génie dans la composition des airs ni dans la partition d’orchestre, comme on pourra l’entendre ce soir grâce à l’Orchestre de l’Opéra de Lyon dirigé par le fougueux Daniele Rustioni, inquiétant dans les premiers instants avec une première phrase terne, puis développant de plus en plus de couleurs et un soutien particulièrement beau aux ensembles et aux scènes de chœurs, moments les plus agréables de la soirée grâce à un excellent Chœur de l’Opéra de Lyon, envoûtant autant par sa chaleur que par sa justesse. Il faudra toutefois que Rustioni ne cherche pas à prioriser trop l’horizontalité dans ce genre de partition majoritairement à trois temps, et maintienne un rythme qui est de grande importance, comme on peut s’en rendre compte dans le déphasage scène-fosse du second air du Duc, étonnement dirigé sans baguette par le jeune Italien.
Sur scène, les chanteurs sont aussi et surtout acteurs, particulièrement convaincants dans leurs rôles parlés, s’amusant avec un texte réécrit par le metteur en scène Peter Langdal lui-même, malheureusement retraduit en allemand, au risque de limiter la portée des gags et la capacité pour le public lyonnais à suivre chaque instant. Cela explique sans doute une certaine retenue de la salle, difficile à dérider tout au long de la soirée.
Tous engagés scéniquement, ces acteurs sont aussi de vrais chanteurs d’opéras. Le Duc de Lothar Odinius tient donc ses airs sans faillir même s’il manque de profondeur dans le grave. Costumé en Karl Lagerfeld, il passe sa soirée à draguer et à faire le beau devant les courtisanes, principalement les trois sopranos, dont l’Annina d’Evelin Novak est la plus jolie dans la clarté et dans l’identité du timbre. La belle couleur de Jasmina Sakr alliée à une paire de jambes bien utilisée font d’elle une Ciboletta de choix, à courtiser avant la Barbara de Caroline MacPhie, elle aussi bien portante mais moins agile vocalement.
Des hommes, on retiendra avant tout le Pappacoda de Jeffrey Treganza, vraiment intéressant dans son air d’entrée où il sait jongler avec maestria entre l’italien et l’allemand de cette partie de style mozartien, puis intelligent et amusant en scène, devant le Caramello de Matthias Klink, lui s'amusant plus tard brillamment avec un pastiche de Verdi dans une reprise de La Donna è mobile. Le reste est tout aussi correct, à commencer par le Delacqua de Piotr Micinski.
La mise en scène fait de l’opérette comme on peut la voir aujourd’hui au Châtelet, au Theater an der Wien ou dans les quelques rares Operettenhaüser survivantes en Allemagne. Les costumes début XXe de Karin Betz mêlent la marinière de Jean-Paul Gaultier à l’image surutilisée du dandy en Lagerfeld, tandis que les décors d’Ashley Martin-Davis sont aussi bancals que le livret, sauf que ce choix est volontaire, avec des angles jamais droits et un univers très coloré, souvent fluo et dans lequel on retrouve de Venise les pins en arrière scène et deux petits ponts pour passer les canaux. Tout aura parfaitement fonctionné, à partir du moment où le rideau de scène bloqué près de dix minutes juste après l’ouverture et le Prologue aura bien voulu se rouvrir !
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