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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Deuxième journée du Ring de Wagner dans une mise en scène de Willy Decker et sous la direction de Christian Thielemann à la Semperoper de Dresde.
Ring Dresde (3) :
ForĂŞts saxonnes
Après Die Walküre en janvier 2016 puis Rheingold en octobre, la Semperoper de Dresde continue la préparation du Ring avec Siegfried, avant deux cycles complets déjà annoncés pour janvier 2018, dans lesquels le directeur musical Christian Thielemann sera bien présent, mais pas le fantastique duo Stephen Gould-Nina Stemme aujourd’hui anthologique sur la scène saxonne.
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Bons baisers d’Eltsine
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Difficile de jauger une scénographie complète du Ring en l’abordant par éléments séparés, joués dans le mauvais sens et à de longs mois d’écart. Si la Walkyrie se prêtait mieux à l’exercice de l’individualité et avait alors ravi par la proposition de Willy Decker en janvier 2016, l’Or du Rhin avait permis en octobre de mieux comprendre la démarche du metteur en scène et son jeu sur les dimensions pour intégrer le monde à son propos.
Siegfried crée une rupture en modifiant l’univers graphique, mais cette fois les décors y semblent un peu pâlots. Le I est intégré dans une salle de classe, faisant du futur héros un grand enfant, et du nain un horrible professeur devant de grandes ardoises. Des panneaux verts se referment au fond sur une cavité, sorte de foyer de cheminée donnant sur l’Or, représenté par une boule dorée vue dès l’ouverture de rideau sur le ventre de Fafner endormi.
Mime dessine un dragon qui s’animera au II comme par magie puis Siegfried retrouvera son enfance en échangeant à plusieurs reprises sa place avec celle d’un petit garçon qui endossera physiquement le rôle de l’Oiseau de la forêt, superbement chanté par la voix colorée autant que charnue de Tuuli Takala, particulièrement bien projetée. Seul le III revient à la scénographie des volets précédents, avec des rangées de sièges renvoyant l’image de la salle.
Dans la distribution, on retrouve le Wanderer de Markus Marquardt, un peu en retrait sinon dans la scène avec l’Erda au médium plein autant que d’une belle assise de grave et d’une prononciation précise de Christa Mayer. À 54 ans et après avoir porté Siegfried sur toutes les scènes du monde, Stephen Gould semble y avoir intégré complètement toute la part de théâtre que possèdent le personnage et sa partition, pour en livrer une prestation phénoménale. Souvent déclamé comme un texte parlé, le chant semble exactement comme le souhaitait Wagner dans ses écrits, tandis que la voix encore très belle s’allie à une gestion des coups de marteau absolument impeccable.
En face, le Mime de Gerhard Siegel est presque aussi impressionnant techniquement. Laid de costume et de maquillage, il est d’une crédibilité parfaite, plus aigre que son confrère sans l’être jamais trop. Énergique et égaré, il tient fantastiquement son personnage et s’accorde tout à fait à l’opposition voulue avec le héros, tandis que l’antagonisme entre Siegfried et Brünnhilde n’existe que par leur placement pendant un duo donné d’un côté et de l’autre du cadre de scène. Pour le reste, tout s’accorde magiquement entre les deux artistes et si Nina Stemme en robe rouge-feu a su se faire attendre, elle se réveille comme si elle avait chanté le rôle la veille, avec une voix chaude à la plastique parfaite, faisant d’elle l’artiste idéale dans le rôle actuellement.
Albert Dohmen (Alberich) et Georg Zeppenfeld (Fafner) complètent cette distribution avec deux beaux timbres de basse bien projetés, tandis que sous leurs pieds s’affaire une Staatskapelle Dresden en grande formation, dont Christian Thielemann fait ressortir les merveilleuses sonorités, non seulement parfois totalement inédites dans les distinctions de chaque partie de la petite harmonie, mais surtout dans des nappes de cordes à se damner. Cette approche traite dans les graves un Wagner d’une formidable justesse, mettant en rapport chaque Leitmotiv avec le drame sur scène et faisant ressortir toute la puissance de la partition, avec des violoncelles jamais entendus aussi intensément à chacune de leurs interventions.
On peut juger frustrant de devoir aborder ce Ring par morceaux, aussi l’année 2018 sera la bonne pour profiter de deux cycles complets, mais avec Andreas Schager et Petra Lang dans le duo pour remplacer les deux amants.
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