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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Concert des Wiener Philharmoniker sous la direction d’Ingo Metzmacher à l’Elbphilharmonie de Hambourg.
Metzmacher incendie l’Elbphilharmonie
À l’occasion du festival d’ouverture de l’Elbphilharmonie, les Wiener Philharmoniker, après un concert avec Semyon Bychkov, apparaissent aux côtés de l’ancien chef hambourgeois Ingo Metzmacher, qui développe les forces d’un ensemble d’un niveau exceptionnel, explosif avec Chostakovitch dans cette nouvelle acoustique.
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Complicité artistique
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Si pour découvrir une salle, il faut dans l’idéal y écouter ses formations résidentes, afin d’éviter tous les écueils possibles et connus en termes de pièges acoustiques créés par le style architectural et les matériaux utilisés, entrer dans une salle nouvellement construite peut se faire avec n’importe quel ensemble, puisqu’aucun n’y est encore adapté. C’est donc plein d’appréhension mais avec une irrépressible joie que l’on chemine dans la nouvelle Philharmonie du port de Hambourg, destinée à devenir le bâtiment référent pour identifier cette ville par sa seule image.
Un long escalator dans un couloir blanc débouche sur une entrée tout en parquet de bois clair, élément retrouvé dans une grande salle majestueuse, dont les formes et éléments évoquent parfaitement l’univers marin en donnant à l’ensemble l’idée d’un salon de gala dans un luxueux paquebot. En dehors du parquet, le bois ne réapparait nulle part sauf sur le dossier de sièges en tissu gris, les murs de la salle et des balcons étant tous conçus dans une résine très dure, pleines de cavités et de trous pour piéger le son.
Ingo Metzmacher n’ayant pas pour habitude d’adapter ses programmes aux événements, il dirige un parcours typiquement personnel, mêlant Webern, Hartmann et Chostakovitch. Mise en bouche donc avec les Pièces pour orchestre op. 6 du premier, magistrales de maîtrise et faisant ressortir une acoustique relativement mate, beaucoup plus en tout cas que l’ancienne salle très chaude de la Laieszhalle de la ville, et à l’opposé des dernière philharmonies conçues comme celles de Paris ou Copenhague.
Les Wiener Philharmoniker sont venus pour l’occasion dans leur formation la plus luxueuse possible, avec une majorité de titulaire donc peu de femmes, cette formation ancestrale ne les validant encore qu’aux compte-gouttes, alors que leur nombre toujours important lors les tournées fait comprendre que beaucoup d’extras sont présents. Les cuivres souvent problématiques depuis au moins une décennie sont ce soir impeccables, comme tous les sons émanant de la partition de la Seconde École de Vienne.
Vient ensuite la Symphonie n° 1 de Hartmann, compositeur défendu depuis longtemps par Metzmacher. Là -encore les sons mats surprennent d’abord avant de permettre à l’orchestre de rester dans une tenue d’ensemble sombre, bien adaptée à la partition comme à la voix d’alto de Gerhild Romberger, très précise dans la diction et particulièrement grave dans la couleur comme dans le style.
Après l’entracte permettant l’épanouissement de l’œil grâce à une vue magnifique en hauteur sur la ville, la formation revient plus ample que jamais pour la Symphonie n° 11 de Chostakovitch, dirigée dès l’Adagio dans un système d’oppression fascinant. Dans ce premier mouvement, l’utilisation d’un thème récurrent devenant obsédant n’est pas cyclique comme dans la Leningrad, mais au contraire développé dans la forme, à la manière des mouvements de Bruckner que cet orchestre maîtrise si parfaitement, sans jamais pouvoir ici s’échapper, contraint et forcé à subir la violence des coups.
L’Allegro porte une fantastique petite harmonie dans la première section, vite interrompue par les rythmes impeccables des percussions, pour conduire à un tutti terrifiant, magistralement tenu par le chef sans jamais conduire à la rupture. Puis le calme revient, pianissimo des violons splendidement géré en ressortant distinctement dès la toute fin du massacre pour laisser le temps aux questionnements.
Le Tocsin conclut la soirée dans le calme et la réflexion, face à une masse de cordes toujours aussi à même de nous emporter dans les fluctuations de la partition, avant un cor anglais d’une froide sentimentalité, assisté par la clarinette basse et une dernière fois par des cuivres dont les trompettes ont triomphé toute la soirée. Faire la fête semble une notion compliquée pour l’intellectuel Ingo Metzmacher, mais même s’il avait pu penser la gâcher avec les œuvres programmées, il n’a fait que prouver sa très grande qualité, dans une salle qu’il faudra réentendre à nouveau très prochainement !
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Elbphilharmonie, Hamburg Le 23/01/2017 Vincent GUILLEMIN |
| Concert des Wiener Philharmoniker sous la direction d’Ingo Metzmacher à l’Elbphilharmonie de Hambourg. | Anton Webern (1883-1945)
Sechs StĂĽcke fĂĽr Orchester op. 6
Version originale
Karl Amadeus Hartmann (1905-1963)
Symphonie n° 1 pour alto et orchestre
Gerhild Romberger, alto
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n° 11 op. 103 « Année 1905 »
Wiener Philharmoniker
direction : Ingo Metzmacher | |
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